Le 22 novembre dernier, la justice a rendu son verdict dans l’affaire Jean-Philippe Desbordes, cet ex-journaliste de France Info et de Libération accusé de viols avec actes de torture et de barbarie sur les filles mineures de sa compagne. Condamné à 20 ans de réclusion criminelle, ce procès met en lumière les agissements monstrueux d’un homme qui se disait « thérapeute ». Mais il révèle aussi le silence assourdissant d’une certaine presse, prompt à s’indigner du moindre fait divers sordide mais étrangement muet quand il s’agit d’un des siens.
L’affaire Jean-Philippe Desbordes : 700 viols, des actes de torture et de barbarie
C’est une affaire sordide qui s’est tenue mi-novembre devant les assises de l’Ariège. Au cœur de ce procès glaçant, Jean-Philippe Desbordes, 50 ans, ancien journaliste de renom ayant officié à Libération, France Info, dans l’émission Envoyé Spécial et auteur de plusieurs essais. Les faits qui lui sont reprochés débutent en 2017, lorsqu’il entame une relation avec la mère des victimes. Très vite, sous couvert de séances « d’aïkithérapie », ce professeur d’aïkido autoproclamé thérapeute s’en prend aux jeunes filles, âgées de 9 à 16 ans au moment des faits.
Pendant plus de deux ans, entre le domicile familial et son dojo, Jean-Philippe Desbordes va faire subir à ces adolescentes un véritable calvaire, les soumettant selon l’accusation à près de 700 viols, incluant des actes de torture et de barbarie. Lors du procès, les victimes ont livré des témoignages glaçants. L’aînée dit avoir été traitée comme « une esclave », avec « des fellations au minimum deux fois par jour » et « plus de 700 viols par sodomie ». Les sévices incluaient des actes de barbarie comme être forcées à manger « dans un bol, comme un chien ».
20 ans de prison pour l’ex-journaliste, 5 ans pour la mère complice
Après une semaine d’un procès éprouvant, Jean-Philippe Desbordes a été reconnu coupable de l’ensemble des faits et condamné à 20 ans de réclusion criminelle. Son ex-compagne, Sylvie B., a elle écopé de 5 ans de prison pour complicité. Malgré les dénégations de Desbordes, les jurés ont suivi les réquisitions et livré un verdict à la hauteur de l’horreur des crimes commis. Une peine lourde, à l’image du lourd tribut payé par les victimes. Lors de son témoignage, l’aînée a confié : « Je n’ai plus aucun désir de vivre. S’il n’y avait pas mes sœurs et mon père, si ça ne tenait qu’à moi, je mettrais fin à mes jours après le procès ».
L’omerta de la presse de gauche autour de l’affaire Desbordes
Si la lourdeur de la peine semble proportionnée aux crimes, un autre scandale entoure ce procès : le silence médiatique, en particulier de la presse de gauche, pourtant si prompte à s’indigner. Comme l’a souligné l’avocat Guillaume Goldnadel, par ailleurs chroniqueur sur CNews, cette omerta est d’autant plus choquante que Jean-Philippe Desbordes a longtemps été un journaliste influent.
Une affaire aussi grave et dont on n’a pas parlé: aujourd’hui, un journaliste de France Info a été condamné à 20 ans de prison pour 700 viols avec torture et actes de barbarie sur ses filles. Le silence autour de cette affaire, c’est le privilège rouge du service public
Guillaume Goldnadel, avocat et chroniqueur
En effet, aucun des grands médias habituels, de Libération au Monde en passant par France Info, ne s’est fait l’écho de la condamnation de leur ancien confrère. Un silence d’autant plus assourdissant que Jean-Philippe Desbordes a travaillé pour plusieurs de ces rédactions. Seule la presse locale a évoqué le procès, sans jamais mentionner le parcours journalistique de l’accusé. Un deux poids deux mesures qui en dit long sur le traitement médiatique différencié selon le milieu mis en cause.
Au-delà du silence, une complaisance troublante
Cette omerta apparait d’autant plus choquante que Jean-Philippe Desbordes n’était pas un inconnu dans le milieu médiatique. Auteur de plusieurs essais, dont « Mon enfant n’est pas un cœur de cible » et « Atomic Park », il était considéré comme un expert de « l’aïkithérapie », méthode dont il se servait en réalité pour abuser de ses victimes. Malgré plusieurs signalements dès 2017, il aura fallu attendre 2023 pour que l’affaire soit jugée. Un délai troublant quand on connaît le pouvoir et l’influence dont disposait l’accusé à l’époque.
Alors, le traitement de faveur dont semble bénéficier Jean-Philippe Desbordes est-il révélateur d’une forme d’entre-soi dans la profession ? Le « petit milieu » parisien aurait-il couvert, consciemment ou non, l’un des siens ? Difficile de ne pas faire le parallèle avec d’autres affaires impliquant des personnalités en vue, de Nicolas Hulot à PPDA en passant par Olivier Duhamel, longtemps protégées avant d’être rattrapées par la justice.
L’indispensable introspection d’une profession
Au-delà de l’horreur des crimes, l’affaire Jean-Philippe Desbordes doit amener les médias, et en particulier la presse de gauche, à s’interroger. Sur son silence, sa complaisance parfois, envers certains des siens. Les mêmes qui donnent si facilement des leçons de morale au reste de la société. Les mêmes qui torpillent la moindre personnalité de droite ou issue des milieux populaires à la première incartade. Il ne s’agit pas ici de généraliser ou d’essentialiser, mais de pointer une différence de traitement troublante.
L’émergence de la vérité, si douloureuse soit-elle, est un prérequis à toute évolution des mentalités. C’est aussi une dette envers les victimes, qui subissent ces violences dans l’ombre, dans le silence souvent, et pour qui la parole est plus dure encore à libérer quand l’agresseur jouit d’une aura publique. C’est enfin une exigence vis-à-vis des citoyens, en droit d’attendre la même transparence et la même impartialité de la part d’une profession dont c’est le code génétique.
Le procès de Jean-Philippe Desbordes aura donc permis de lever le voile sur la face obscure d’un homme, mais aussi sur le fonctionnement parfois opaque d’un certain microcosme. Espérons que le choc de ce procès aura au moins le mérite de provoquer un sursaut salutaire du côté du quatrième pouvoir. Car face à l’horreur, il ne peut y avoir deux justices, deux poids deux mesures selon l’aura ou le statut de l’accusé. C’est une exigence démocratique. Une exigence morale. Un devoir de vérité, en somme. Celui-là même qui devrait animer en toutes circonstances ce beau métier qu’est le journalisme.