Une fraude évaluée à 27 milliards de dollars, soit l’équivalent du PIB de la Bosnie. Des obligations transitant par une banque commerciale, la Saigon Commercial Bank. Des dizaines de milliers de personnes lésées. Le Vietnam se réveille avec la gueule de bois après avoir mis au jour le plus grand scandale financier de son histoire. Un système pyramidal orchestré par Truong My Lan, ex-patronne d’un empire immobilier, condamnée à mort en appel par un tribunal de Ho Chi Minh-Ville ce mardi. Retour sur une affaire hors-norme qui jette une lumière crue sur les failles d’un secteur bancaire en plein essor.
27 milliards évaporés : chronologie d’un scandale
Tout commence avec une success story à la vietnamienne. Truong My Lan, femme d’affaires redoutable, bâtit un empire immobilier en une décennie, surfant sur le boom économique du pays. Elle possède un atout dans sa manche : la Saigon Commercial Bank (SCB), qu’elle contrôle via un jeu de participations familiales et amicales, lui permettant de lever des fonds à tout va.
Selon le tribunal, Truong My Lan a ainsi ordonné à ses employés de transporter l’équivalent de 4,4 milliards de dollars en cash, dans des camions, jusqu’à son domicile et aux bureaux de sa société Van Thinh Phat. Là, via un montage d’obligations opaques, elle a aspiré l’épargne de dizaines de milliers de particuliers, alléchés par des taux d’intérêt mirobolants.
Sauf que le château de cartes s’est effondré. Mardi, la « reine de l’immobilier » a vu sa condamnation à mort confirmée en appel. Le scandale a mis au jour un système basé sur la collusion, puisque d’après des sources proches du dossier, elle a pu agir en toute impunité pendant des années en versant de généreux pots-de-vin à des cadres de la banque centrale.
Un marché obligataire opaque
Le nerf de la guerre, dans cette affaire, ce sont les obligations d’entreprise. Un marché qui a connu une croissance exponentielle au Vietnam, mais qui reste très mal régulé. Contrairement aux pays développés, la plupart des titres de dette ne font pas l’objet d’une notation indépendante, et peuvent être vendus directement aux particuliers par les entreprises, sans transparence.
C’est le cas à la SCB, qui a massivement écoulé des obligations pourries de sa maison-mère, en dissimulant les risques. Pendant ce temps-là, les plus grands cabinets d’audit mondiaux comme EY, Deloitte et KPMG, censés contrôler les comptes, n’ont rien vu. Ou rien voulu voir ?
SCB n’est pas un problème isolé, c’est une maladie de l’ensemble de l’économie.
– Bui Kien Thanh, économiste
Régulateurs sous influence
Pour bon nombre d’experts, ce scandale révèle en réalité les faiblesses structurelles du secteur financier vietnamien. Dans un système gangrené par la corruption, les régulateurs auraient laissé prospérer les dérives. Un ancien haut responsable de la banque centrale a d’ailleurs reconnu avoir touché 5 millions de dollars de pots-de-vin pour fermer les yeux sur la situation.
Les autorités ont beau lancer une purge anti-corruption d’une ampleur inédite, les spécialistes craignent que d’autres scandales du même type ne resurgissent tant que des réformes de fond ne seront pas engagées. Il faut dire que le secteur financier vietnamien connaît une croissance ultra-rapide : le pays se rêve en nouvelle usine du monde. Pas étonnant que certains acteurs aient été tentés de brûler les étapes…
Défiance et risque systémique
Au final, c’est la confiance dans le système bancaire vietnamien qui risque d’être ébranlée. Les épargnants, échaudés, réclament plus de transparence et de contrôle. Le spectre d’une crise financière généralisée commence même à poindre.
Les autorités devront rapidement corriger le tir, sous peine de voir l’édifice se fissurer. Cela passera inévitablement par un durcissement de la réglementation sur les obligations d’entreprise, une plus grande indépendance des régulateurs et une lutte implacable contre la corruption.
Car comme le résume un économiste : « quand la situation est devenue grave, les gens la laissaient continuer parce qu’il ne fallait pas ouvrir la boîte de Pandore ». Cette fois, la boîte est ouverte. Au Vietnam de tout remettre en ordre, s’il ne veut pas que son miracle économique se transforme en mirage.
Les autorités ont beau lancer une purge anti-corruption d’une ampleur inédite, les spécialistes craignent que d’autres scandales du même type ne resurgissent tant que des réformes de fond ne seront pas engagées. Il faut dire que le secteur financier vietnamien connaît une croissance ultra-rapide : le pays se rêve en nouvelle usine du monde. Pas étonnant que certains acteurs aient été tentés de brûler les étapes…
Défiance et risque systémique
Au final, c’est la confiance dans le système bancaire vietnamien qui risque d’être ébranlée. Les épargnants, échaudés, réclament plus de transparence et de contrôle. Le spectre d’une crise financière généralisée commence même à poindre.
Les autorités devront rapidement corriger le tir, sous peine de voir l’édifice se fissurer. Cela passera inévitablement par un durcissement de la réglementation sur les obligations d’entreprise, une plus grande indépendance des régulateurs et une lutte implacable contre la corruption.
Car comme le résume un économiste : « quand la situation est devenue grave, les gens la laissaient continuer parce qu’il ne fallait pas ouvrir la boîte de Pandore ». Cette fois, la boîte est ouverte. Au Vietnam de tout remettre en ordre, s’il ne veut pas que son miracle économique se transforme en mirage.