Le monde du tennis français s’apprête à vivre des moments difficiles. Jean-Pierre Dartevelle, 74 ans, ancien vice-président de la Fédération française de tennis (FFT), sera jugé du 11 au 13 février prochains devant la cour criminelle du Doubs. Les accusations portées contre lui sont graves : viols sur une jeune joueuse, alors âgée de 17 à 19 ans, qui dénonce une « relation d’emprise » de la part de ce dirigeant influent.
Un Scandale qui Pourrait Faire des Remous
Cette affaire risque de secouer sérieusement le milieu du tennis tricolore. Jean-Pierre Dartevelle n’était pas n’importe qui à la FFT. Vice-président, ancien président de la Ligue de Franche-Comté, il a failli accéder à la présidence de la fédération en 2017, battu de peu par Bernard Giudicelli. C’était un homme de pouvoir, très introduit, proche notamment des parents de la victime présumée.
La jeune femme, dont l’anonymat est préservé, a porté plainte dès 2018. Joueuse prometteuse visant une carrière professionnelle avant d’être freinée par des problèmes de santé, elle a décrit une relation « contrainte » et « l’emprise » que cet homme aurait exercé sur elle. Des accusations que Dartevelle a contestées durant l’instruction, évoquant une « relation amoureuse totalement consentie ».
15 Ans de Réclusion Encourus
Les enjeux sont élevés pour l’ancien dirigeant. Poursuivi pour des viols commis sur une personne mineure par une personne ayant autorité, il encourt jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle. Son contrôle judiciaire a été maintenu depuis sa mise en examen. La jeune femme, désormais majeure, peut demander un huis clos pour préserver son intimité lors de ce procès délicat.
La FFT se Porte Partie Civile
Signe de l’importance de l’affaire, la FFT a décidé de se porter partie civile aux côtés de la plaignante et de sa famille. Un geste fort qui montre la volonté de l’instance de faire toute la lumière sur cette sombre histoire et de soutenir la victime présumée. Cela témoigne aussi d’une prise de conscience des enjeux par le tennis français, à l’heure où les affaires de violences sexuelles secouent de nombreux milieux.
D’Autres Affaires dans le Tennis
Ce n’est malheureusement pas la première fois que le tennis est éclaboussé par ce type de scandales. En 2020, l’entraîneur français Régis de Camaret a été condamné à 10 ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur de jeunes joueuses dans les années 1980 et 1990. Plus récemment, en 2022, la WTA a été secouée par les révélations de la joueuse Peng Shuai accusant un haut dirigeant chinois de viol, avant de se rétracter sous la pression.
« Dans le milieu du tennis, il y a une omerta. Les jeunes joueuses sont isolées, en état de dépendance vis-à-vis de leur entraîneur. C’est un terrain favorable aux abus. Le plus dur est souvent de parler. »
– Isabelle Demongeot, ex-joueuse victime de Camaret
Un Électrochoc Nécessaire
Au-delà du cas Dartevelle, c’est toute la question des relations d’emprise et des abus dans le sport qui est posée. Le déséquilibre de pouvoir entre entraîneurs/dirigeants et athlètes, souvent jeunes et dépendants, crée un terreau propice aux dérives. La pression de la performance, la crainte pour sa carrière, la honte peuvent inciter les victimes à se taire. Il est urgent que les instances sportives prennent la mesure du problème.
Le procès de Jean-Pierre Dartevelle pourrait servir d’électrochoc. Il rappellera que même les puissants ne sont pas intouchables. Que la parole des victimes, si elle est trop souvent enfouie, finit par éclater au grand jour. C’est une étape essentielle pour que le tennis, et le sport en général, fasse son examen de conscience et renforce ses dispositifs de prévention et de signalement.
Car derrière chaque affaire, ce sont des vies brisées, des rêves anéantis, des traumatismes profonds. La jeune joueuse qui accuse Dartevelle aura besoin de tout le soutien et l’accompagnement nécessaires. Sa démarche courageuse ouvre la voie à d’autres. Elle montre que même face à un système souvent verrouillé, il est possible de se battre pour la vérité et la justice.
Le Tennis Français à l’Épreuve
Ce procès sera un test pour le tennis tricolore. Comment la FFT, les joueurs, les entraîneurs, les médias réagiront-ils? Prendront-ils la mesure du problème ou céderont-ils à la tentation de minimiser, sous couvert de préserver « l’image » du tennis? Les enjeux dépassent largement le sport. C’est une question de société, de protection des plus vulnérables, de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Alors que les langues se délient dans bien des domaines, le sport ne peut rester une zone de non-dit. Les affaires qui ont secoué le patinage ou l’équitation montrent l’ampleur des défis. Le mouvement de libération de la parole est en marche, il est irréversible. Chaque procès, chaque sanction, même si le chemin est long, fait reculer l’omerta.
Le cas Dartevelle n’est qu’un maillon d’une chaîne qui doit se briser. Pour que le tennis, sport éminemment populaire, retrouve sa pureté. Pour que les jeunes talents puissent s’épanouir et viser les sommets sans craindre pour leur intégrité. Pour que les coupables soient punis et les victimes entendues. Un combat âpre mais indispensable, sur les courts comme en dehors, dont ce procès sera un jalon important.
