Imaginez que vous perdiez l’accès à votre wallet demain. Vos bitcoins sont volés ou votre exchange fait faillite. Jusqu’à présent, en Angleterre, les juges devaient faire des acrobaties juridiques pour vous considérer comme « propriétaire » de ces actifs. Depuis le 2 décembre 2025, tout cela appartient au passé.
Une Révolution Juridique Silencieuse qui Change Tout
Le Property (Digital Assets etc) Bill a reçu l’assentiment royal. En langage clair : le Roi l’a signé, la loi entre immédiatement en vigueur. Les cryptomonnaies, les NFT, les stablecoins et plus largement tout actif numérique deviennent officiellement une troisième catégorie de biens personnels aux côtés des « choses en possession » (votre voiture, votre montre) et des « choses en action » (vos actions, vos créances).
Cette troisième catégorie était réclamée depuis des années par les avocats spécialisés en blockchain. Elle reconnaît enfin que les actifs numériques ne rentrent dans aucune case traditionnelle mais méritent quand même une protection pleine et entière.
Pourquoi c’était si compliqué avant ?
Dans le droit anglais (common law), il n’existe pas de définition légale exhaustive de la « propriété ». Les juges décidaient au cas par cas. Résultat : des décisions contradictoires, des années de procédure et parfois l’impossibilité de récupérer ses fonds.
Exemple célèbre : l’affaire AA v Persons Unknown (2019) où la justice avait reconnu que le Bitcoin pouvait être un bien, mais uniquement parce qu’il était « rivalisable » et « excluable ». Chaque nouveau cas repartait de zéro.
Désormais, plus besoin de convaincre un juge que votre clé privée confère un droit de propriété. La loi le dit noir sur blanc.
Les Grandes Victoires Concrètes de cette Loi
- Récupération des actifs volés : les tribunaux pourront ordonner le gel et la restitution beaucoup plus facilement.
- Successions et divorces : vos cryptos entrent clairement dans la masse successorale ou dans le partage des biens.
- Faillites d’exchanges : les clients seront traités comme des créanciers privilégiés, pas comme de simples usagers d’un service.
- Prêts garantis par crypto : les collateral numériques auront une valeur juridique incontestable.
- Tokenisation d’actifs réels (immobilier, œuvres d’art) : le cadre juridique est enfin prêt.
« Cette loi offre aux détenteurs quotidiens la même confiance et certitude qu’ils attendent avec tout autre forme de propriété. »
CryptoUK, 2 décembre 2025
La Genèse : un Travail de Longue Haleine
Tout a commencé avec le rapport de la Law Commission publié en juin 2023, puis complété en 2024. Les experts concluaient que le droit anglais était déjà « remarquablement flexible » mais qu’une clarification législative éviterait des années de contentieux inutiles.
Le gouvernement travailliste de Keir Starmer, élu en juillet 2024, a fait de la « compétitivité technologique » une priorité. Le bill a été présenté dès septembre 2024, voté en un temps record et adopté avant Noël 2025. Un timing parfait pour envoyer un signal fort au monde entier.
Comparaison Internationale : où en sont les autres ?
Le Royaume-Uni rejoint un club très restreint de pays ayant clarifié le statut de propriété des cryptos :
| Pays | Statut légal | Date |
| Royaume-Uni | Troisième catégorie de biens personnels | Décembre 2025 |
| Singapour | Biens personnels (décision judiciaire 2019) | 2019 |
| Nouvelle-Zélande | Property (décision 2020) | 2020 |
| Liechtenstein | Token Container Model | 2020 |
| États-Unis | Varie selon États (NY BitLicense, Wyoming SPDI) | Fragmenté |
| Union européenne | MiCA (régulation marchés) mais pas statut de propriété unifié | 2024-2026 |
Le Royaume-Uni se place donc en leader européen post-Brexit et défie clairement la Suisse et Singapour sur le terrain juridique.
Les Stablecoins Gagnants Absolus
La loi mentionne explicitement les stablecoins. Pour les émetteurs comme Tether (USDT), Circle (USDC) ou les banques britanniques qui veulent lancer leur propre stablecoin sterling, c’est une bénédiction.
Ils peuvent maintenant proposer des produits de paiement et de règlement avec la certitude que leurs réserves tokenisées seront traitées comme de véritables actifs en cas de litige. C’est un argument commercial énorme face à l’Europe où MiCA reste centrée sur la régulation prudentielle, pas sur le statut de propriété.
Et la Fiscalité dans Tout Ça ?
Bonne nouvelle : cette loi ne change rien à la fiscalité. Le HMRC (fisc britannique) considère déjà les cryptos comme des actifs imposables depuis 2014 (capital gains tax ou income tax selon les cas). Le nouveau statut de « bien » ne crée pas de nouveau régime fiscal, il sécurise seulement les droits de propriété.
Certaines voix espéraient une exonération partielle pour les petits porteurs, mais le gouvernement a préféré rester neutre sur ce point.
Ce Que Ça Change pour Vous, Détenteur Français ou Européen
Si vous utilisez une plateforme enregistrée au Royaume-Uni (Kraken UK, Coinbase UK, Revolut Crypto, etc.), vos avoirs bénéficient immédiatement de cette protection renforcée.
Si vous self-custody depuis la France, la loi britannique ne s’applique pas directement, mais elle fait jurisprudence. Les avocats français commencent déjà à s’en inspirer dans les dossiers de récupération.
Enfin, les fonds d’investissement et family offices européens regardent Londres avec encore plus d’intérêt pour domicilier leurs véhicules crypto.
Les Prochaines Étapes Attendues
- Publication des guidelines détaillées par la FCA (probablement Q1 2026)
- Adaptation des contrats-type (ISDA, GMRA) pour inclure les collatéraux numériques
- Création probable d’un registre officiel de clés perdues ou de wallets orphelins
- Discussions sur un éventuel « crypto sandbox » permanent à la City
Le message est clair : le Royaume-Uni veut redevenir le hub mondial de la finance numérique, et il vient de poser une pierre angulaire décisive.
Alors que certains pays hésitent encore à reconnaître la réalité des actifs décentralisés, Londres choisit l’audace juridique. Et dans le monde crypto, la clarté légale vaut parfois plus cher que n’importe quelle subvention.
2026 s’annonce passionnante.









