En misant sur les traitements innovants contre l’obésité, le gouvernement britannique espère faire d’une pierre deux coups : réduire la pression sur son système de santé public en crise et inciter les personnes en surpoids à retrouver un emploi. Pour cela, il vient d’annoncer un partenariat majeur avec le laboratoire américain Eli Lilly, créateur de médicaments prometteurs dans ce domaine.
Un investissement « très important pour l’économie »
Lors d’un sommet organisé lundi à Londres, le gouvernement a dévoilé un accord avec Eli Lilly prévoyant un investissement de 279 millions de livres (335 millions d’euros) au Royaume-Uni de la part du géant pharmaceutique. Selon le Premier ministre Keir Starmer, ce traitement sera « très utile aux personnes qui veulent perdre du poids » mais aussi « très important pour l’économie afin que les gens puissent retourner au travail ».
L’objectif est double : soulager le NHS, le système de santé publique britannique exsangue après des années de sous-financement, tout en remettant des personnes obèses sur le chemin de l’emploi. Car l’obésité coûterait 11 milliards de livres par an au NHS, « plus encore que le tabagisme » selon le ministre de la Santé Wes Streeting. Elle pousserait certains à cesser de travailler et d’autres à prendre en moyenne quatre jours d’arrêt maladie de plus chaque année.
Une étude à grande échelle près de Manchester
Pour tester grandeur nature l’impact de ces nouveaux traitements, un laboratoire « accélérateur d’innovation » va voir le jour près de Manchester. Pendant cinq ans, il évaluera les effets du Mounjaro, le médicament phare d’Eli Lilly dans ce domaine, autorisé récemment au Royaume-Uni. D’après le Telegraph, 3000 personnes obèses au chômage, en intérim ou en arrêt maladie seront recrutées pour cette vaste étude. Le but : déterminer si la prise de ce traitement leur permet effectivement de reprendre une activité professionnelle.
Le ministre de la Santé a toutefois souligné que ces médicaments ne devaient pas faire oublier l’importance d’adopter un mode de vie sain en parallèle. Car si le Royaume-Uni fait partie des pays les plus touchés par l’obésité en Europe avec 26% d’adultes concernés, ces traitements restent un outil parmi d’autres pour tenter d’endiguer ce fléau.
Des critiques sur l’efficacité de cette stratégie
Malgré les espoirs suscités par cette annonce, des voix s’élèvent déjà pour critiquer cette approche. Selon Chris Thomas, directeur du think tank IPPR, il ne sert à rien de renvoyer des personnes obèses dans un environnement de travail nocif pour leur santé. Pour lui, les employeurs doivent d’abord garantir à leurs salariés un accès à une nourriture saine, sous peine de sanctions. La pression et les horaires décalés favoriseraient en effet la malbouffe.
Une forte pression et des horaires décalés peuvent inciter les travailleurs à dépendre davantage de plats à emporter.
– Chris Thomas, directeur du think tank IPPR
Plutôt que de miser uniquement sur des injections anti-obésité, le gouvernement devrait donc aussi s’attaquer aux causes profondes du problème en responsabilisant les entreprises. Certains évoquent des normes de bonne santé au travail contraignantes ou des sanctions pour celles affichant un taux de démissions pour raisons de santé jugé inacceptable. Autant de pistes qui pourraient compléter utilement la stratégie audacieuse des autorités britanniques pour relancer l’emploi via la lutte contre l’obésité.