Tel un chef-d’œuvre en péril, le revers à une main semble en passe d’entrer au musée à Roland-Garros. Mercredi soir, le tournoi parisien a raccompagné le cœur serré deux de ses plus beaux ambassadeurs : Richard Gasquet et Stan Wawrinka. Ces joueurs symbolisent à eux-seuls cette relique d’un tennis où l’élégance et l’équilibre primaient, cet art aujourd’hui observé comme une curiosité face à la puissance dévastatrice des jeunes pousses. Pourtant, difficile de ne pas s’émouvoir devant la splendeur d’un revers à une main…
Le revers à une main, signature des plus grands champions
De Donald Budge à Roger Federer en passant par les inoubliables Rod Laver, John McEnroe ou Stefan Edberg, les légendes du tennis ont pour beaucoup bâti leur palmarès et leur aura sur la maîtrise du revers à une main. Ce geste, prolongement naturel du bras, offre au corps une grandeur artistique incomparable. Il évoque une forme de pureté, une recherche de la perfection technique, loin de la surpuissance physique imposée aujourd’hui.
Le revers à une main, c’est le geste le plus élégant, le plus esthétique au tennis. C’est la signature des plus grands artistes de la balle jaune.
Guy Forget, ancien joueur et capitaine de l’équipe de France de Coupe Davis
La relève peine à perpétuer la tradition
Mais alors que des joueurs comme Grigor Dimitrov ou Stefanos Tsitsipas tentent encore de porter haut les couleurs de ce coup d’antan, force est de constater qu’ils se font de plus en plus rares. L’évolution du matériel, des surfaces de jeu et des méthodes d’entraînement a progressivement fait basculer le tennis vers une puissance exacerbée, où le lift et la vitesse priment sur le toucher de balle et l’amortie. Les jeunes générations, biberonnées aux duels en fond de court, peinent à s’approprier le geste technique du revers à une main.
La révolution de la puissance
- Le tennis moderne a vu naître des champions comme Rafael Nadal, Novak Djokovic ou Andy Murray, adeptes du revers à deux mains, symbole de puissance et de contrôle.
- Les jeunes joueurs s’inspirent de ces modèles gagnants et optent très tôt pour le revers le plus “efficace” au détriment de l’élégance.
- Les entraîneurs, à la recherche de résultats rapides, formatent les futurs champions à un jeu stéréotypé où le revers slicé apparaît comme une perte de temps.
Alors à l’heure où Richard Gasquet et Stan Wawrinka ont peut-être foulé pour la dernière fois la terre battue parisienne, c’est un peu de la magie et de l’élégance du tennis qui s’éteint. Le revers à une main n’est pas encore voué à disparaître, mais comme toute forme d’art confrontée à la modernité, il se fait plus rare et précieux. Espérons qu’il saura inspirer encore quelques générations d’esthètes de la balle jaune…