L’indépendance de la Réserve fédérale américaine (Fed) pourrait bien être menacée en cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche. L’ex-président, connu pour ses virulentes critiques à l’encontre de l’institution monétaire, a récemment affirmé vouloir avoir son “mot à dire” sur les décisions de politique monétaire. Une perspective inquiétante pour la stabilité économique des États-Unis.
Trump veut peser sur les choix de la Fed
Lors d’une récente déclaration, Donald Trump a estimé que “le président devrait au moins avoir son mot à dire” concernant les orientations prises par la banque centrale. Allant plus loin, il a même affirmé avoir “un meilleur instinct que, dans de nombreux cas, les personnes qui siègent à la Réserve fédérale, ou le président”. Des propos qui font craindre une volonté d’ingérence politique dans les affaires de la Fed.
Pourtant, l’indépendance de l’institution est un principe cardinal pour assurer la stabilité des prix et le plein emploi, les deux missions que lui a confié le Congrès. Permettre “aux politiciens, dont les horizons ne s’étendent que jusqu’aux prochaines élections, d’avoir leur mot à dire sur la politique monétaire (…), produit de l’inflation et de l’instabilité économique”, mettait en garde Don Kohn, ancien vice-président de la Fed, dans une tribune parue dans le New York Times.
Un premier mandat marqué par les attaques
Le milliardaire républicain s’était déjà illustré au cours de son premier mandat par des attaques répétées contre la Fed lorsque celle-ci ne baissait pas les taux d’intérêt assez rapidement à son goût. Jerome Powell, le président de l’institution nommé par Trump lui-même, avait même été qualifié de “pire ennemi” que le dirigeant chinois Xi Jinping dans un tweet rageur du locataire de la Maison Blanche.
Cela a été considéré comme une communication très hostile
David Wilcox, économiste au Peterson Institute for International Economics
Forcer Powell au départ ?
Avant même une potentielle réélection, Donald Trump avait laissé entendre qu’il pourrait forcer Jerome Powell à quitter ses fonctions avant la fin de son mandat en 2026, avant de se raviser. Interrogé sur une éventuelle démission, le principal intéressé a répondu jeudi par un “non” catégorique, ajoutant qu’un tel scénario était de toute façon “interdit par la loi”.
Mais d’après les économistes, le prochain président de la Fed, qui sera choisi par Trump s’il revient au pouvoir, “pourrait changer la dynamique et l’indépendance de la politique monétaire”, souligne Kathy Bostjancic, cheffe économiste chez Nationwide. “La manière la plus conventionnelle” d’influencer l’institution serait d’utiliser son pouvoir de nomination des nouveaux gouverneurs, abonde David Wilcox.
Le Sénat comme garde-fou
Heureusement, les nominations à la Fed doivent être confirmées par le Sénat, offrant ainsi un garde-fou face à des choix trop politiques. “On ne peut pas faire une nomination à 180 degrés par rapport au courant dominant”, car “le marché obligataire rejetterait immédiatement cette idée”, explique Steve Englander, économiste chez Standard Chartered et ex-membre de la Fed de New York.
De plus, même en cas de nominations politisées, “il y aurait toujours un grand nombre de gouverneurs et de présidents régionaux de la Fed qui ne seraient pas nommés par le président Trump”, tempère Kathy Bostjancic. Des garde-fous institutionnels qui paraissent cependant fragiles face à l’hypothèse évoquée par un proche de Trump d’installer un “shadow president” (président fantôme) qui court-circuiterait l’autorité de Jerome Powell.
Face à ces menaces, il apparaît plus que jamais crucial de préserver l’indépendance de la Fed, garante de la stabilité et de la crédibilité de la politique monétaire américaine. Les marchés et l’économie mondiale retiennent leur souffle dans l’attente des prochaines échéances électorales.