Le lundi 26 octobre 2024, le président du Cameroun Paul Biya a fait son retour au pays après une absence de six semaines. Âgé de 91 ans, le chef de l’État le plus âgé au monde était parti en Chine début septembre avant de prolonger son séjour à l’étranger, suscitant de nombreuses interrogations et rumeurs sur son état de santé. Son retour tant attendu a provoqué des réactions contrastées au sein de la population camerounaise, oscillant entre soulagement, indifférence et indignation.
Un accueil en demi-teinte
Si certains supporters du président ont été mobilisés pour l’accueillir à l’aéroport de Yaoundé, une grande partie de la population est restée indifférente, préoccupée par les difficultés du quotidien. “Nous, le bas peuple, on ne demande pas plus que trouver à manger et de quoi envoyer les enfants à l’école”, témoigne un chauffeur de taxi. D’autres expriment leur soulagement de voir le président en vie, tout en espérant des actions concrètes pour améliorer la situation du pays.
Des questions sur la transparence
L’absence prolongée de Paul Biya et le manque de communication officielle ont alimenté de nombreuses rumeurs sur les réseaux sociaux, certains allant jusqu’à annoncer son décès. Si les autorités ont fini par démentir via un communiqué, beaucoup s’interrogent sur la nécessité d’une plus grande transparence quant à la santé du président et au respect de la Constitution.
C’est un employé du peuple. Et on ne peut pas s’absenter de son lieu de travail, sans en informer son employeur
Un avocat s’exprimant sur une chaîne de télévision locale
La question de la succession
Au pouvoir depuis 1982, Paul Biya est régulièrement critiqué pour ses longues absences et ses coûteux séjours à l’étranger. Son dernier voyage de six semaines aurait coûté plus d’un milliard de francs CFA en frais d’hôtel, selon certaines sources, alors même que le pays connaît des difficultés économiques. La question de sa succession alimente les spéculations, certains évoquant déjà des luttes de pouvoir en coulisses.
Un bilan controversé
Depuis son accession au pouvoir il y a plus de 40 ans, le bilan de Paul Biya est mitigé. Si ses partisans saluent la stabilité du pays, ses détracteurs pointent du doigt la corruption, les inégalités croissantes et le manque de libertés. Selon une enquête menée en 2018, le président camerounais aurait passé au total l’équivalent de quatre ans et demi en séjours privés à l’étranger en 35 ans de pouvoir, pour un coût estimé à 65 millions de dollars.
Un avenir incertain
Alors que Paul Biya entame ce qui pourrait être son dernier mandat, l’avenir du Cameroun apparaît incertain. Les tensions politiques et sociales restent vives, nourries par les frustrations d’une jeunesse qui aspire au changement. Beaucoup espèrent que le retour du président sera l’occasion d’engager de véritables réformes et d’ouvrir le jeu démocratique. Mais les défis sont immenses pour redresser un pays fragilisé par des décennies d’immobilisme.
Le feuilleton du retour de Paul Biya illustre les contradictions d’un pouvoir vieillissant, déconnecté des réalités et des aspirations du peuple camerounais. Entre espoirs de changement et résignation, le pays retient son souffle, suspendu aux prochaines décisions d’un président omnipotent mais de plus en plus absent.