Le projet de fusion entre le géant sidérurgique américain U.S Steel et son concurrent japonais Nippon Steel, estimé à près de 15 milliards de dollars, divise actuellement les instances gouvernementales à Washington. Au cœur des débats : les potentielles menaces pour la sécurité nationale américaine que représenterait ce mariage industriel international.
Selon des informations rapportées par le Financial Times, qui cite plusieurs responsables américains sous couvert d’anonymat, la commission chargée d’évaluer les conséquences des rachats d’entreprises américaines par des groupes étrangers (CFIUS) peine à trouver un consensus. Cette instance, composée de neuf organismes gouvernementaux dont les départements du Trésor, de la Défense et des Affaires étrangères, s’est fendue d’un courrier officiel à l’attention des deux groupes industriels pour les informer de ses divisions internes.
Biden, seul maître à bord
Face à l’absence d’une position unanime au sein du CFIUS, il reviendra au Président Joe Biden de trancher personnellement ce dossier épineux. Sa décision est attendue au plus tard le 23 décembre, date butoir fixée pour la remise des recommandations du panel.
Le locataire de la Maison Blanche, tout comme son successeur élu Donald Trump, ont déjà exprimé publiquement à plusieurs reprises leur opposition à ce projet de rachat annoncé en décembre 2023. Une finalisation de l’opération était alors envisagée au troisième trimestre 2024.
Le nerf de la guerre : la sécurité nationale
D’après les révélations du Financial Times, le Trésor, la Défense et les Affaires étrangères auraient conclu que la fusion ne présentait pas de risque pour la sécurité nationale. C’est surtout la représentante au Commerce Katherine Tai qui s’opposerait fermement au projet, même avec les garanties élaborées par le CFIUS pour adresser ses inquiétudes.
Pour justifier un rejet de l’opération en l’absence d’un feu vert unanime du CFIUS, le Président Biden devra donc avancer d’autres arguments. Il considère l’industrie sidérurgique comme un secteur stratégique pour les États-Unis, premier importateur mondial d’acier.
Tensions sociales et jeu d’influence
Sur le front social, le puissant syndicat des métallurgistes United Steelworkers (USS) mène une intense campagne contre le rapprochement. Cela en dépit de l’engagement pris par Nippon Steel de ne procéder à aucune suppression de postes ou fermeture de sites d’U.S Steel pendant au moins deux ans.
Il est inapproprié que la politique continue de l’emporter sur les véritables intérêts de sécurité nationale.
Un porte-parole de Nippon Steel
Le groupe japonais tente de son côté de faire valoir que son projet « soutiendra la sécurité économique des États-Unis en contrant les menaces posées par la Chine ». Affirmant qu’il est « inapproprié que la politique continue de l’emporter sur les véritables intérêts de sécurité nationale » du pays.
Les enjeux d’un mariage à 15 milliards
- Le rachat d’U.S Steel par Nippon Steel créerait le deuxième groupe sidérurgique mondial derrière le chinois Baowu.
- Cette opération s’inscrit dans un contexte de surcapacité chronique et de consolidation du secteur de l’acier au niveau mondial.
- Ce projet cristallise les tensions protectionnistes historiques dans les relations commerciales entre Washington et Tokyo.
- L’administration Biden cherche à renforcer l’industrie américaine face à la montée en puissance de la Chine.
Quelle que soit la décision finale, ce dossier illustre une nouvelle fois toute la complexité des enjeux stratégiques, économiques et politiques auxquels sont confrontés les États-Unis dans la reconfiguration en cours de l’échiquier industriel mondial. La « sécurité nationale » n’apparaît ici que comme la partie émergée de l’iceberg dans un contexte commercial international toujours plus tendu.