Dans un geste diplomatique marquant, le Qatar a rouvert samedi son ambassade en Syrie, après 13 années de fermeture. Le drapeau qatari flotte à nouveau sur le bâtiment de la représentation diplomatique à Damas, quelques jours seulement après le renversement du régime de Bachar el-Assad par une coalition de groupes rebelles.
Selon une source proche du dossier, le Qatar est le deuxième pays à franchir officiellement le pas, après la Turquie, et à renormaliser ses relations avec la Syrie post-Assad. Cette décision intervient alors que plusieurs chancelleries occidentales, jusque-là prudentes, dépêchent des délégations à Damas pour établir un contact avec les nouvelles autorités issues de la rébellion.
Une page se tourne en Syrie
La réouverture de l’ambassade qatarie marque un tournant symbolique dans le conflit syrien qui a déchiré le pays pendant plus d’une décenide. Doha avait fermé sa mission diplomatique et rappelé son ambassadeur dès juillet 2011, quelques mois seulement après le début de la répression sanglante des manifestations pro-démocratie par le régime de Bachar el-Assad.
Contrairement à d’autres pays arabes, le Qatar n’avait depuis jamais renoué avec Damas, apportant un soutien actif aux groupes rebelles opposés à Assad. Avec la chute du dictateur le 8 décembre, la donne a changé. Doha a dépêché une délégation sur place pour rencontrer le nouveau gouvernement de transition et exprimer « le plein engagement du Qatar à soutenir le peuple syrien », selon un diplomate.
Timide retour de la communauté internationale
Mardi, l’Union européenne s’était dite « prête » à rouvrir son ambassade à Damas, tandis que Londres, Berlin, Paris et Washington y ont envoyé des émissaires ces derniers jours. Le drapeau français a été hissé sur l’ambassade de France, sans pour autant que celle-ci ne reprenne ses activités « tant que les critères de sécurité ne sont pas remplis », a précisé l’envoyé spécial pour la Syrie.
De leur côté, les États-Unis ont abandonné l’offre de récompense pour l’arrestation du nouveau dirigeant syrien Ahmad al-Chareh, connu jusqu’à récemment sous son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani. Une délégation américaine a même rencontré celui qui était encore il y a peu le chef du groupe djihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS).
Vers une normalisation progressive
Pour de nombreux observateurs, ces gestes diplomatiques encore feutrés laissent présager une normalisation progressive des relations avec le nouveau pouvoir syrien, malgré les incertitudes qui demeurent sur sa capacité à stabiliser le pays. Les capitales occidentales semblent décidées à jouer un rôle dans l’accompagnement de la transition, espérant notamment obtenir des garanties sur la rupture avec l’Iran et la Russie.
« Le Qatar veut clairement se positionner comme un acteur incontournable dans le dossier syrien et un interlocuteur de poids pour le nouveau régime. C’est un virage à 180 degrés par rapport à la ligne suivie ces dix dernières années. »
– Un analyste régional cité par une source proche
Les prochains mois diront si ce pari diplomatique porte ses fruits et si la Syrie post-Assad réussira, avec l’aide de la communauté internationale, à tourner la page d’une décennie de guerre et de chaos. La réouverture de l’ambassade du Qatar apparaît en tout cas comme un premier pas symbolique vers la réconciliation et la reconstruction d’un pays meurtri.