Alors que la Syrie entre dans une phase cruciale de son histoire après la chute soudaine du régime de Bachar al-Assad dimanche, le Qatar se positionne déjà comme un acteur clé de la transition à venir. Selon une source proche des discussions qui s’est confiée à l’AFP, la diplomatie qatarie a établi un canal de communication direct avec le groupe rebelle islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS), fer de lance de l’offensive éclair qui a précipité la fin du régime.
Ces contacts au plus haut niveau devraient se poursuivre dans les prochaines 24 heures, notamment avec Mohammad al-Bachir, pressenti pour diriger le gouvernement de transition syrien. Les discussions porteraient sur «la nécessité de maintenir le calme et de préserver les institutions publiques syriennes» pendant cette délicate période, selon cette même source.
Le Qatar, soutien de la première heure de l’opposition syrienne
Cette initiative du Qatar n’est guère surprenante pour les observateurs de la région. Doha avait été l’un des premiers pays à soutenir le soulèvement contre le régime de Bachar al-Assad dès 2011, au début de ce qui allait devenir une guerre civile dévastatrice. Malgré la normalisation des relations entre Damas et plusieurs capitales arabes en 2023, le Qatar était resté sur une ligne critique.
Le petit émirat gazier est aujourd’hui aux avant-postes pour accompagner le changement de régime. «L’ambassade de Syrie à Doha a très vite ouvert ses portes à l’opposition, ce qui en fait la première ambassade de la nouvelle réalité en Syrie», a souligné Majed al-Ansari, porte-parole de la diplomatie qatarie, lors d’une conférence de presse.
Un consensus international pour éviter le chaos
Cette offensive diplomatique s’inscrit dans le cadre de discussions régionales et internationales pour tenter d’encadrer la transition syrienne. Samedi, à la veille de la chute de Bachar al-Assad, le Qatar avait accueilli discrètement des responsables russes, iraniens, turcs et arabes.
Malgré les divergences, «toutes les parties sont parvenues à un consensus que la priorité était de maîtriser la situation en Syrie et de veiller à ce que les groupes extrémistes tels que l’État islamique ne puissent pas s’implanter», selon la même source proche des discussions.
HTS, un interlocuteur incontournable mais controversé
Le choix du Qatar d’ouvrir un canal de discussion avec HTS, considéré comme un groupe «terroriste» par plusieurs pays occidentaux, témoigne du nouveau rapport de force en Syrie. Issu d’une scission avec Al-Qaïda, HTS contrôle de larges pans du territoire syrien, en particulier dans la région d’Idlib.
Après avoir été le fer de lance de la reconquête éclair contre le régime de Damas, le mouvement islamiste apparaît aujourd’hui comme un interlocuteur incontournable, même si son agenda politique suscite de profondes inquiétudes. Selon certains analystes, le pragmatisme du Qatar, rompu aux médiations avec les groupes islamistes dans la région, pourrait s’avérer précieux pour tenter de canaliser la transition syrienne.
Une nouvelle page de l’histoire syrienne
Après plus d’une décennie de conflit qui a fait des centaines de milliers de victimes et des millions de déplacés, la Syrie aborde un nouveau chapitre de son histoire. La chute brutale du régime de Bachar al-Assad, qui semblait pourtant avoir consolidé son emprise ces dernières années, a créé un séisme géopolitique dont les répliques restent difficiles à anticiper.
Dans ce contexte très volatile, l’implication rapide du Qatar aux côtés des nouvelles autorités syriennes illustre les bouleversements à l’œuvre et les efforts de la communauté internationale pour tenter d’accompagner cette transition hautement périlleuse. Alors que tous les regards sont tournés vers Damas, Doha entend bien jouer un rôle central dans le nouvel échiquier syrien qui se dessine.