Près de trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, le procès de ses complices présumés a débuté et ne manque pas de raviver les tensions autour des questions d’islamisme et d’islamophobie. Au cœur de cette nouvelle polémique, un homme présenté comme un « doctorant à la Sorbonne » se retrouve visé par une plainte pour apologie du terrorisme après avoir qualifié le professeur d' »islamophobe laïc ».
Une plainte qui pose question sur la liberté d’expression
Dans un message publié le 3 décembre dernier, le dénommé Pierre Jacquel aurait écrit : « Sans islamophobie, ce drame ne serait jamais arrivé. Patty était probablement un islamophobe laïc, mais si un musulman le dit, on parlerait d’apologie du terrorisme. » Des propos qui ont immédiatement fait réagir Mickaëlle Paty, la sœur de l’enseignant assassiné, qui a déposé plainte.
Pour son avocate Carine Chaix, ces déclarations « salissent volontairement la mémoire de Samuel Paty » et « visent à justifier sa décapitation en raison de sa prétendue islamophobie ». Elle estime que même s’il « ne va pas jusqu’à glorifier explicitement l’acte terroriste », le « doctorant » tient un discours proche de celui « des plus intégristes des islamistes ».
De son côté, Pierre Jacquel dénonce une instrumentalisation de la justice et de la liberté d’expression. Il affirme qu’expliquer un fait par un facteur n’est pas faire l’apologie de ce fait, même si l’explication déplaît. Il se présente comme un allié de la lutte contre l’islamophobie qui permettrait selon lui d’éviter de nouveaux drames.
Le procès fait revivre le traumatisme de l’assassinat
Au-delà de cette polémique, le procès en cours depuis début novembre replonge la France dans le douloureux souvenir de ce crime abject. Parmi les huit personnes jugées, un parent d’élève et un militant islamiste sont soupçonnés d’avoir lancé une cabale contre le professeur sur les réseaux sociaux, basée sur les mensonges d’une collégienne, dans le but de le désigner comme cible.
Les témoignages des anciens collègues de Samuel Paty ont montré à quel point cet assassinat a profondément marqué et divisé le corps enseignant. Certains évoquent leur « deuil » et leur difficulté à continuer d’aborder des sujets sensibles en classe par peur des représailles.
Un procès sous haute tension idéologique
Mais au-delà des faits, ce procès cristallise surtout l’affrontement entre deux visions de la société. D’un côté, ceux qui comme Mickaëlle Paty voient dans ce crime la main de « l’hydre islamiste » et sa volonté de faire taire toute critique de la religion au nom de « l’islamophobie ». De l’autre, ceux qui à l’instar de Pierre Jacquel estiment que c’est le climat de stigmatisation des musulmans qui nourrit un tel passage à l’acte.
Le séparatisme est le maillon clé du projet islamiste.
Le Figaro
Entre les deux, l’institution judiciaire aura la lourde tâche de faire la part des choses, de juger des responsabilités de chacun sans tomber dans les amalgames. Car le risque est grand de voir ce procès nourrir les clivages plutôt que de les apaiser.
Un débat de société qui dépasse l’enceinte du tribunal
Au final, ce n’est pas seulement le sort des accusés qui se joue au tribunal de Paris, mais aussi la capacité de notre société à affronter ces questions brûlantes sans se déchirer. Les enjeux sont immenses :
- Comment défendre la liberté d’expression et le droit au blasphème sans stigmatiser toute une religion ?
- Comment lutter contre l’intégrisme sans donner l’impression de faire le jeu des provocateurs ?
- Comment dénoncer l’islamophobie sans paraître relativiser le terrorisme ?
Autant de questions que devra trancher non pas la justice, mais le débat démocratique. Un débat dans lequel toutes les voix doivent pouvoir s’exprimer, dans le respect de la loi et la conscience des mots. C’est tout l’enjeu de ce procès hors norme qui fera date et continuera à faire couler beaucoup d’encre.!
