Un revers judiciaire majeur vient de frapper Greta Thunberg et des centaines d’autres jeunes militants écologistes en Suède. La Cour suprême du pays a en effet rejeté mercredi l’ouverture d’un procès inédit intenté à l’État pour son inaction présumée face à la crise climatique. Une décision lourde de conséquences pour l’avenir de ce type de recours.
300 jeunes réclament une action climatique plus ambitieuse
En novembre dernier, une plainte administrative hors du commun était déposée au tribunal de Nacka, près de Stockholm. Son objet : obliger le gouvernement suédois à prendre des mesures plus fortes pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, conformément à l’Accord de Paris. Parmi les 300 plaignants figurait la célèbre militante Greta Thunberg, devenue en quelques années le visage de la lutte des jeunes générations contre le dérèglement climatique.
Le recours demandait ainsi à la justice de reconnaître que l’État suédois ne faisait pas « sa part » dans ce combat mondial. Une action sans précédent dans le pays, qui a contraint le tribunal saisi à se tourner vers la Cour suprême. Celle-ci devait trancher un point crucial : les tribunaux nationaux sont-ils compétents pour statuer sur les politiques climatiques du gouvernement ?
La Cour suprême se déclare incompétente
La réponse, tombée mercredi, est on ne peut plus claire : « L’affaire ne peut pas être examinée ». Pour la plus haute instance judiciaire suédoise, il n’appartient pas à un tribunal « d’ordonner au parlement ou au gouvernement de prendre une quelconque mesure ». Les politiques climatiques relèveraient uniquement des « institutions politiques », qui en décident « de manière indépendante ».
Ce faisant, la Cour suprême ne ferme pas totalement la porte à de futures poursuites contre l’État sur le terrain climatique. Mais elle fixe des conditions restrictives, estimant qu’une telle action devrait être portée par une association remplissant « certains critères » plutôt que par un groupe d’individus. Or la plainte rejetée, bien que soutenue par une ONG, avait été formellement déposée au nom d’une seule personne avant que 300 autres ne s’y joignent.
Il s’agit d’un principe fondamental de ne pas permettre à des individus d’assigner l’État en justice, l’objectif étant de protéger les intérêts publics.
– La Cour suprême de Suède
De plus en plus de recours climatiques dans le monde
Si elle déçoit les militants, la décision de la Cour suprême suédoise n’est pas une surprise. Dans de nombreux pays, les juges se montrent encore réticents à interférer avec les choix des gouvernements en matière environnementale. Mais la tendance pourrait évoluer, sous la pression d’une opinion de plus en plus sensible à l’urgence climatique et d’une jeunesse prête à en découdre devant les tribunaux.
Car si la Suède a rejeté le recours, d’autres actions en justice ont récemment abouti. Aux Pays-Bas, la Cour suprême a ainsi ordonné à l’État en 2019 de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, donnant raison à une ONG. Une décision historique qui a fait des émules : des recours similaires ont depuis été lancés en Belgique, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Australie et aux États-Unis.
Les litiges en matière de climat se multiplient dans le monde. Cela montre une prise de conscience croissante du problème, notamment chez les jeunes générations.
– Un expert juridique cité par une source proche du dossier
De quoi donner de l’espoir aux militants, malgré la déconvenue suédoise. D’autres batailles judiciaires s’annoncent, à mesure que l’urgence d’agir s’imposera. La justice n’a sans doute pas fini d’être saisie par des citoyens désireux de faire bouger les lignes. Avec, qui sait, de futures victoires à la clé pour contraindre les États à accélérer la lutte contre le réchauffement. En attendant, Greta Thunberg et ses camarades devront trouver d’autres moyens de pression pour faire entendre leur cri d’alarme.