Au terme de vingt-cinq années au pouvoir, dont treize passées à réprimer les aspirations démocratiques de son peuple, le président syrien Bachar al-Assad a été chassé en l’espace de seulement onze jours par une offensive fulgurante menée par des rebelles, dont certains groupes islamistes. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, il aurait quitté Damas pour une destination inconnue au moment où les insurgés proclamaient la fin de son règne. Il devient ainsi le dernier d’une série de dirigeants balayés par le vent du Printemps arabe, après ses homologues tunisien, libyen, égyptien, yéménite et soudanais.
Un espoir d’ouverture vite avorté en Syrie
Lorsqu’il succède à son père Hafez al-Assad en 2000, à seulement 34 ans, Bachar al-Assad suscite un certain espoir de changement après trois décennies de dictature. Mais le « Printemps de Damas » fait long feu. Quand éclate en 2011 un soulèvement populaire dans le sillage des révolutions arabes, il est écrasé dans le sang, faisant basculer le pays dans une guerre civile dévastatrice. Le régime ne doit alors sa survie qu’au soutien indéfectible de ses alliés russe et iranien, ainsi que du Hezbollah libanais.
Malgré une trêve négociée en 2020 et une forme de réintégration sur la scène régionale, le pouvoir syrien n’a jamais cédé aux appels à une solution politique incluant l’opposition. Les espoirs de transition démocratique portés par les manifestants de la première heure auront été douchés dans un bain de sang, comme dans d’autres pays touchés par le Printemps arabe.
Ben Ali, le précurseur tunisien
Premier à chuter face à la contestation populaire, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali avait lui aussi suscité des attentes en promettant plus de démocratie lors de son arrivée au pouvoir en 1987. Mais son régime s’est durci au fil des ans, muselant toute opposition tandis que le clan présidentiel s’enrichissait, selon des câbles diplomatiques américains. Fin 2010, des manifestations éclatent et gagnent rapidement les grandes villes. Espérant reprendre la main, Ben Ali quitte le pays le 14 janvier 2011 après un dernier discours. Il ne reviendra jamais, s’éteignant en exil en Arabie saoudite en 2019.
Kadhafi, tué par les insurgés libyens
Arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1969, Mouammar Kadhafi aura régné 42 ans d’une main de fer sur la Libye, utilisant la manne pétrolière pour soutenir des « révolutions » à travers le monde. Accusé de commanditer des attentats meurtriers, il subit des sanctions internationales. Quand son peuple se révolte, une intervention de l’OTAN précipite sa chute. En fuite, l’ancien « Guide » est tué le 20 octobre 2011 par des rebelles dans des conditions troubles.
Moubarak lâché par l’armée égyptienne
Vice-président devenu chef de l’État après l’assassinat d’Anouar el-Sadate en 1981, Hosni Moubarak dirige l’Égypte pendant trois décennies. D’abord isolé après la paix avec Israël, il doit composer avec une situation économique difficile et la menace islamiste. Affaibli et soupçonné de vouloir transmettre le pouvoir à son fils, il est contesté dès janvier 2011. Lâché par l’armée dont il est issu, il démissionne le mois suivant. Jugé et emprisonné pour la mort de manifestants et corruption, il meurt en 2020 après avoir été acquitté.
Saleh, le maître d’œuvre de l’unité yéménite
Acteur central de la réunification en 1990, Ali Abdallah Saleh dirige le Yémen d’une main de maître pendant 33 ans, jouant des rivalités tribales et des rébellions dans un pays instable. Contesté en 2011, il cède le pouvoir à son vice-président en 2012. Mais il ne renonce pas et s’allie paradoxalement aux rebelles Houthis, ses anciens ennemis, pour tenter de revenir. Un pari qui lui sera fatal lorsque ces derniers l’assassinent en décembre 2017.
Béchir, du putsch au renversement
Général putschiste, Omar el-Béchir prend le pouvoir au Soudan en 1989. Pendant 30 ans, il louvoie entre islamistes et pressions internationales, faisant l’objet d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre au Darfour. Confronté à une fronde populaire en 2019, il est à son tour déposé par l’armée. Emprisonné dans son pays, il ne peut être remis à la Cour pénale internationale. Le Soudan, lui, sombre dans le chaos entre luttes de factions militaires.
A l’heure où le dernier d’entre eux vient de tomber, le bilan du Printemps arabe apparaît mitigé. Si certains pays comme la Tunisie ont réussi leur transition démocratique, d’autres sont encore englués dans des conflits et une instabilité chronique. Reste à savoir quel avenir se dessine pour la Syrie après cette nouvelle page de son histoire tourmentée.