La Corée du Sud traverse une période de turbulences politiques sans précédent. Le pays est sous le choc après la tentative avortée du président Yoon Suk Yeol d’imposer la loi martiale et de museler l’opposition en début de semaine. Face à ce coup de force qui a ébranlé la démocratie sud-coréenne, le parti présidentiel lui-même réclame désormais le départ « rapide » du dirigeant controversé.
Un revirement spectaculaire au sein du parti au pouvoir
C’est un véritable séisme politique qui secoue le sommet de l’État. Han Dong-hoon, chef du Parti du Pouvoir au Peuple (PPP), a déclaré vendredi que le maintien au pouvoir de Yoon Suk Yeol représentait un « grand danger » pour le pays. Selon lui, des « preuves crédibles » démontrent que le président a ordonné l’arrestation de figures de l’opposition dans la nuit de mardi à mercredi.
Ce revirement est d’autant plus spectaculaire que la veille encore, le PPP affirmait qu’il ferait front contre la motion de destitution déposée par l’opposition. Ce changement de cap laisse présager une adoption quasi certaine de la motion lors du vote prévu samedi soir au Parlement, où l’opposition est majoritaire.
Une proclamation surprise de la loi martiale
Tout a basculé mardi soir lorsque Yoon Suk Yeol a décrété par surprise l’état d’exception, faisant déployer l’armée à Séoul pour cibler l’opposition. Pendant plusieurs heures, le Parlement a été bouclé et mis sous scellés par les militaires. Cette dérive autoritaire a suscité l’indignation de la population. Des milliers de Sud-Coréens sont descendus dans la rue pour réclamer l’arrestation du président.
Face à la pression de la rue et à la fronde des députés, qui ont réussi à se faufiler dans l’hémicycle malgré le siège de l’armée, Yoon Suk Yeol a finalement été contraint de battre en retraite. Au bout de six heures, il a rappelé les troupes et levé la loi martiale. Mais le mal était fait. Depuis, les manifestations se multiplient pour exiger son départ.
Une procédure de destitution enclenchée, le sort du président en suspens
L’opposition, qui ne décolère pas, a déposé une motion de censure au Parlement. Le texte doit être voté samedi soir. Si la destitution est approuvée aux deux tiers, comme cela semble se profiler, Yoon Suk Yeol sera immédiatement suspendu de ses fonctions. Son sort sera alors entre les mains de la Cour constitutionnelle, qui devra valider ou non sa révocation définitive.
En parallèle, une enquête pour « rébellion » visant le président a été ouverte, a annoncé la police. Ce chef d’accusation est theoriquement passible de la peine de mort, même si celle-ci n’est plus appliquée en Corée du Sud depuis 1997. Les jours de Yoon Suk Yeol à la tête du pays semblent en tout cas comptés.
C’est un crime impardonnable, qui ne peut pas, ne doit pas et ne sera pas pardonné
Kim Seung-won, député du Parti démocrate
Une cote de popularité en chute libre pour le président
La cote de popularité de Yoon Suk Yeol, déjà faible depuis son élection en 2022, a atteint un plus bas historique de 13% selon un sondage Gallup publié vendredi. Le président paie le prix de son aventurisme politique. Elu in extremis et sans majorité au Parlement, il s’était lancé dans un bras de fer avec l’opposition sur le budget 2025.
Pour justifier sa tentative de coup de force, il avait brandi la menace des « forces communistes nord-coréennes » et fait état d’une nécessité d' »éliminer les éléments hostiles à l’Etat ». Des arguments qui n’ont convaincu personne. Terré au palais présidentiel depuis l’annonce de la levée de la loi martiale, Yoon Suk Yeol n’est plus réapparu en public.
Une démocratie « piétinée », une bataille politique qui s’annonce
Pour de nombreux Sud-Coréens, la démocratie a été « piétinée » par cette loi martiale express. Park Su-hyung, un manifestant de 39 ans, résume le sentiment général : « Notre démocratie sera piétinée si nous laissons M. Yoon au pouvoir un instant de plus ». Une bataille politique s’annonce pour les jours et semaines à venir.
Les alliés de poids du président sont aussi dans la tourmente. Le ministre de la Défense Kim Yong-hyun a démissionné, mais d’autres comme le ministre de l’Intérieur Lee Sang-min s’accrochent. L’opposition réclame des comptes à tous ceux qui ont trempé dans cette tentative de coup de force, notamment le chef d’état-major de l’armée.
La Corée du Sud retient son souffle. D’ici samedi soir, l’avenir politique du pays et de son président controversé devrait être scellé. Soit Yoon Suk Yeol jette l’éponge en démissionnant, soit la motion de destitution est adoptée et ouvre une longue période d’incertitudes constitutionnelles et politiques. Dans tous les cas, le pays vient de vivre une semaine noire pour sa jeune démocratie.