Le nouveau président taïwanais Lai Ching-te est actuellement engagé dans une tournée diplomatique à hauts risques dans le Pacifique. Malgré les vives protestations de la Chine, qui considère Taïwan comme une province rebelle, M. Lai multiplie les étapes pour consolider les liens de l’île avec ses derniers alliés dans la région.
Taïwan et la Chine, une relation complexe
La rivalité entre Taïwan et la Chine constitue la toile de fond de cette tournée controversée. Depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, Pékin n’a eu de cesse de vouloir réunifier ce qu’elle considère comme une province renégate. De son côté, Taïwan, officiellement la République de Chine, revendique son indépendance de facto tout en maintenant l’ambiguïté sur son statut.
Dans ce contexte, la diplomatie revêt une importance capitale pour Taipei. Alors que la pression de Pékin s’accentue, avec la menace d’un recours à la force en arrière-plan, Taïwan cherche à préserver ses soutiens internationaux. Une tâche ardue puisque seuls 12 pays reconnaissent encore officiellement Taipei au détriment de Pékin.
Escale aux îles Marshall
C’est dans ce contexte que le président Lai a entamé sa tournée du Pacifique. Après une première étape remarquée à Hawaï, où il a pu s’entretenir avec des représentants américains, M. Lai a posé le pied mardi aux îles Marshall. Cet archipel fait partie des trois alliés de Taïwan dans le Pacifique, avec les Tuvalu et les Palaos, également au programme de sa visite.
À Majuro, la capitale, le président taïwanais a été chaleureusement accueilli par son homologue Hilda Heine. Mettant en avant les liens culturels et les valeurs partagées entre les deux pays, notamment leur héritage austronésien commun,M. Lai a cherché à renforcer ce partenariat précieux pour Taïwan.
La colère de Pékin
Sans surprise, ce ballet diplomatique a provoqué l’ire de la Chine. Pékin, qui s’oppose à tout contact officiel entre Taïwan et des pays étrangers, a « fermement » condamné la tournée de M. Lai. La diplomatie chinoise a enjoint les États-Unis, où le président taïwanais a fait escale, de « cesser de se mêler de Taïwan ».
La Chine accuse M. Lai, tout comme sa prédécesseure Tsai Ing-wen, de vouloir creuser la séparation culturelle avec le continent, dénonçant des actions « séparatistes ».
– Source proche du dossier
En parallèle, Pékin a exprimé sa « ferme opposition » à l’approbation par Washington d’un nouveau projet de vente d’armes à Taïwan, à hauteur de 385 millions de dollars. Si les États-Unis reconnaissent la Chine populaire depuis 1979, ils restent l’allié le plus puissant de Taïwan et son principal fournisseur d’armements.
Une diplomatie sur le fil du rasoir
La tournée du président Lai illustre parfaitement le jeu d’équilibriste auquel se livre Taïwan sur la scène internationale. Faute de reconnaissance officielle, Taipei doit naviguer avec précaution pour entretenir ses amitiés, souvent friandes d’échanges économiques et d’aides au développement.
Chaque initiative est scrutée par Pékin, qui n’hésite pas à faire pression pour tenter d’isoler diplomatiquement sa rivale. Plusieurs pays qui reconnaissaient auparavant Taïwan ont ainsi basculé dans le camp chinois ces dernières années, attirées par les promesses d’investissements massifs de la deuxième puissance économique mondiale.
Dans ce contexte, la tournée du Pacifique de M. Lai revêt une signification particulière. Au-delà du renforcement des liens avec ses alliés régionaux, il s’agit pour Taïwan de montrer qu’elle ne plie pas face aux menaces chinoises et qu’elle reste un acteur à part entière sur la scène internationale. Une démonstration de force qui ne manquera pas d’alimenter les tensions dans le détroit de Formose.