Les tensions sont à leur comble entre la Serbie et le Kosovo après qu’une explosion a endommagé un canal d’eau crucial pour l’approvisionnement du Kosovo vendredi dernier. Le président serbe Aleksandar Vucic a vivement réagi, dénonçant une « attaque hybride féroce » orchestrée selon lui par les autorités kosovares pour déstabiliser la Serbie. De leur côté, les dirigeants du Kosovo accusent Belgrade d’être derrière ce sabotage d’une infrastructure vitale.
Un canal vital pour l’eau et l’électricité du Kosovo ciblé
L’explosion s’est produite vendredi soir près de la ville de Zubin Potok, dans le nord-ouest du Kosovo, une région à majorité serbe. Elle a endommagé un tronçon de plusieurs dizaines de kilomètres du canal qui achemine l’eau du lac artificiel de Gazivode vers les centrales thermiques produisant plus de 90% de l’électricité du Kosovo.
Sans ce canal, c’est tout l’approvisionnement en eau potable et en électricité de milliers de foyers kosovars qui serait menacé. Fort heureusement, une réparation d’urgence a permis de rétablir le flux d’eau durant la nuit, évitant l’arrêt des centrales. Mais l’approvisionnement en eau potable reste perturbé dans la région.
Le gouvernement kosovar dénonce « la pire attaque » depuis la guerre
Pour le Premier ministre kosovar Albin Kurti, cet acte de sabotage est « la pire attaque contre les infrastructures » du pays depuis la fin de la guerre contre la Serbie en 1999. Il accuse directement Belgrade d’avoir « orchestré » cet attentat :
Des organisations professionnelles spécialisées dans ce type d’attaques terroristes sont derrière tout cela. La Serbie est la seule entité ayant la capacité, les moyens et l’intérêt de commettre de tels actes.
La police kosovare a rapidement procédé à l’arrestation de huit suspects pour leur participation présumée à ces « activités criminelles et terroristes ». Du matériel militaire dont des uniformes, des armes et des explosifs a également été saisi lors des perquisitions.
La Serbie nie toute implication et mène sa propre enquête
De son côté, le président serbe Aleksandar Vucic a fermement démenti toute implication de son pays, affirmant que la Serbie n’avait « aucun lien » avec cette attaque. Il a dénoncé à son tour une tentative « d’attaque hybride, grande et féroce » visant à déstabiliser la Serbie :
Je ne vais pas affirmer aujourd’hui que l’attaque a été ordonnée par Kurti, mais nous menons notre propre enquête. Nous avons certaines suspicions sur l’identité du commanditaire et certains éléments sur un possible auteur.
Selon lui, cette « attaque hybride » mobiliserait des moyens non militaires comme le sabotage ou la désinformation pour nuire à la Serbie en temps de paix. Mais il n’a pas donné plus de précisions sur ses soupçons à ce stade.
Des tensions récurrentes sur fond de passif historique
Cette attaque ravive les tensions entre les deux voisins des Balkans, dont les relations restent très compliquées depuis la guerre de 1998-1999 et l’indépendance proclamée par le Kosovo en 2008. Des incidents éclatent régulièrement, en particulier dans le nord du Kosovo où vit une importante communauté serbe.
Quelques jours avant l’attaque du canal, des grenades avaient déjà visé un bâtiment public et un poste de police dans cette même région. Et ces événements surviennent à l’approche d’élections législatives prévues le 9 février au Kosovo, dans un contexte déjà tendu.
L’Union européenne, par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell, a fermement condamné cet « acte abject de sabotage » visant des « infrastructures civiles essentielles », appelant à une désescalade. Selon une source proche du dossier, une enquête internationale pourrait être diligentée pour faire la lumière sur cette attaque, au vu des lourds enjeux pour la stabilité de la région.
Mais avec les accusations mutuelles qui se multiplient entre Belgrade et Pristina, et la fragile situation sécuritaire dans le nord du Kosovo, le chemin vers l’apaisement semble encore très long entre les deux ennemis héréditaires. Ce nouvel incident prouve en tout cas que les plaies des guerres passées sont encore loin d’être refermées et que la méfiance reste la règle, plus de vingt ans après la fin des conflits.