Deux ans après le décès tragique de Mahsa Amini, une jeune femme kurde iranienne arrêtée pour avoir enfreint le strict code vestimentaire du pays, la question du voile en Iran continue de susciter la polémique. Et cette fois, c’est le Président iranien lui-même, Massoud Pezeshkian, qui exprime ses réserves sur une nouvelle loi visant à durcir les sanctions à l’encontre des femmes non voilées.
Une loi controversée sur le « hijab et la chasteté »
Depuis la révolution islamique de 1979, le port du voile est obligatoire pour toutes les femmes dans les lieux publics en Iran. Mais ces dernières années, de plus en plus d’iraniennes osent défier cette obligation, notamment depuis le mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini en septembre 2022. Pour tenter d’endiguer ce phénomène, le Parlement iranien a récemment approuvé une nouvelle loi intitulée « hijab et chasteté », qui prévoit des sanctions renforcées contre les contrevenantes.
D’après les informations relayées par la presse iranienne, les femmes mal ou non voilées en public ou sur les réseaux sociaux s’exposeraient ainsi à de lourdes amendes, pouvant représenter jusqu’à 20 mois de salaire moyen en cas de récidive. Et si ces amendes ne sont pas payées sous 10 jours, elles pourraient même se voir infliger une interdiction de sortie du territoire et être privées de certains services publics comme l’obtention d’un permis de conduire.
Le Président Pezeshkian exprime ses doutes
Face à ce durcissement prévu de la loi, le Président iranien Massoud Pezeshkian, qui doit encore signer le texte pour qu’il entre formellement en vigueur, a fait part de ses interrogations lors d’un entretien télévisé :
« En tant que personne chargée de promulguer cette loi, j’ai de nombreuses réserves à son sujet. »
Selon le chef du gouvernement iranien, cette loi fait courir le risque de « gâcher beaucoup de choses » dans la société et pourrait provoquer le mécontentement de la population. Des propos étonnants de la part de celui qui avait pourtant promis durant sa campagne de retirer des rues la police des moeurs, tristement célèbre depuis l’arrestation fatale de Mahsa Amini.
Vers un retour de la contestation ?
Même si la police des moeurs a quasiment disparu des rues iraniennes suite au mouvement de protestation historique de l’automne dernier, elle n’a jamais été officiellement dissoute par les autorités. Et cette nouvelle loi vient raviver les craintes de voir cette unité controversée reprendre du service pour traquer les femmes en infraction avec le code vestimentaire.
Dans ce contexte, les réserves exprimées publiquement par le Président Pezeshkian, qui avait pourtant vivement critiqué la police lors du décès de Mahsa Amini lorsqu’il était encore député, interpellent. S’agit-il d’une manœuvre politique pour tenter d’apaiser les tensions avant qu’elles ne dégénèrent à nouveau en manifestations massives ? Ou d’un véritable désaccord sur le fond avec les ultraconservateurs du régime ?
Une chose est sûre, la question du voile continue de cristalliser les débats et les passions en Iran, plus de 40 ans après la révolution islamique. Et en tentant de resserrer la vis par la loi, le pouvoir en place prend le risque de voir ressurgir une contestation qui n’a peut-être jamais vraiment cessé depuis 2022. Les prochaines semaines s’annoncent donc décisives pour l’avenir des libertés des femmes iraniennes, tiraillées entre un code vestimentaire d’un autre âge et une aspiration croissante à plus d’émancipation dans une société en plein bouleversement.