Vendredi à Vienne, l’Autriche a été le théâtre d’une scène sans précédent : des manifestants juifs ont empêché le président du Parlement, membre notoire de l’extrême droite, de déposer une gerbe en mémoire des pogroms de 1938 lors de la Nuit de Cristal. Un acte fort qui soulève des questions sur le passé trouble de certains élus.
Une commémoration controversée
Walter Rosenkranz, issu du parti FPÖ fondé par d’anciens nazis, avait prévu de rendre hommage aux victimes de la Shoah devant l’un des monuments commémoratifs de la capitale autrichienne. Mais c’était sans compter sur la détermination d’un groupe d’étudiants juifs, bien décidés à ne pas laisser cet élu controversé s’approprier cet événement tragique.
Formant une chaîne humaine autour du mémorial, les protestataires ont sommé Rosenkranz de faire demi-tour :
Respectez la mémoire de nos parents et grands-parents et ne leur crachez pas au visage !
Le spectre du passé nazi
Si la réaction est vive, c’est que le FPÖ traîne derrière lui une réputation sulfureuse. Outre ses dérapages antisémites récurrents, il est reproché à Rosenkranz son appartenance à une confrérie ayant jadis interdit l’intégration des juifs et honoré un groupe néonazi.
Un lourd passif qui explique le refus du représentant officiel de la communauté juive de convier le président du Parlement aux cérémonies officielles :
Il est impossible de rendre hommage aux victimes avec un tel personnage.
Oskar Deutsch, représentant de la communauté juive d’Autriche
L’extrême droite aux portes du pouvoir
Arrivé en tête des législatives fin septembre, le parti d’extrême droite a décroché la présidence du Parlement, un poste à haute valeur symbolique. Mais il reste pour l’heure exclu des négociations pour former un gouvernement, faute d’alliés.
Cette montée en puissance inquiète cependant la communauté juive autrichienne, encore marquée par les crimes nazis. D’autant que Rosenkranz a hérité d’un rôle sensible : la gestion du fonds d’indemnisation des victimes du national-socialisme.
Un devoir de mémoire mis à mal
84 ans après la Nuit de Cristal, cet incident met en lumière les tensions qui persistent autour du travail de mémoire en Autriche. Du 9 au 10 novembre 1938, synagogues incendiées, magasins saccagés, juifs assassinés : les heures sombres de l’Annexion résonnent encore douloureusement.
En empêchant cette commémoration, les manifestants ont voulu rappeler l’impératif du “plus jamais ça”. Un cri d’alarme face à la banalisation de la haine, portée aux plus hautes sphères de l’État par des élus au passé ambigu. La mémoire des victimes, elle, ne pourra souffrir aucun compromis.