Dans un discours virulent prononcé devant le Parlement algérien, le Président Abdelmadjid Tebboune s’en est pris à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le qualifiant d’« imposteur » et l’accusant d’avoir été « envoyé » par la France. Ces propos interviennent alors que Sansal, connu pour ses critiques acerbes du pouvoir algérien, est incarcéré depuis la mi-novembre pour atteinte à la sûreté de l’État.
Un écrivain engagé derrière les barreaux
Âgé de 80 ans, Boualem Sansal est un écrivain prolifique et un intellectuel respecté, lauréat de nombreux prix littéraires. Né d’un père marocain et d’une mère algérienne, il a la double nationalité franco-algérienne. Depuis plusieurs années, il dénonce sans relâche l’autoritarisme et la corruption du régime algérien, ce qui lui a valu des menaces et maintenant, la prison.
Arrêté à la mi-novembre à Alger, Sansal a été placé en détention pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Selon une source proche du dossier, il encourt une lourde peine de prison. Malgré son âge avancé et une santé fragile, l’écrivain a été transféré à la mi-décembre dans une unité de soins d’un hôpital pénitentiaire. Ses soutiens dénoncent des conditions de détention indignes et exigent sa libération immédiate.
Le Président Tebboune accuse Sansal d’être un agent de la France
Lors d’un discours enflammé devant les parlementaires, Abdelmadjid Tebboune a directement attaqué Boualem Sansal, l’accusant d’être « un imposteur » et « un envoyé » de la France, sans toutefois le nommer explicitement. « Vous envoyez un imposteur qui ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père », a-t-il lancé, faisant référence aux origines mixtes de l’écrivain.
Le chef de l’État algérien reproche à Sansal d’avoir relayé les thèses marocaines sur le Sahara occidental, un territoire disputé entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis soutenus par Alger. Selon certains observateurs, les autorités algériennes n’auraient pas apprécié des déclarations de Sansal suggérant que l’Algérie aurait été avantagée au détriment du Maroc lors du découpage des frontières à l’époque coloniale.
Des relations algéro-françaises tendues
Les propos accusateurs de Tebboune surviennent dans un contexte de fortes tensions diplomatiques entre Alger et Paris. L’Algérie reproche à la France son passé colonial et son soutien aux positions marocaines sur le dossier du Sahara occidental. En juillet 2024, elle a rappelé son ambassadeur à Paris après que le président Emmanuel Macron a apporté un soutien appuyé au plan marocain d’autonomie pour ce territoire.
Dans son discours, Tebboune a vivement critiqué la France, l’accusant d’avoir « tué et massacré des Algériens » pendant la colonisation et d’avoir laissé le pays « en ruines » au moment de l’indépendance en 1962. Il a également qualifié le plan d’autonomie marocain au Sahara occidental d’« idée française » et non marocaine.
Un appel à la libération de Boualem Sansal
De nombreuses voix s’élèvent en Algérie et à l’international pour réclamer la remise en liberté immédiate de Boualem Sansal. Des écrivains, des militants des droits humains et des personnalités publiques dénoncent son incarcération qu’ils jugent arbitraire et politique. Ils appellent les autorités algériennes à respecter la liberté d’expression et à cesser le harcèlement judiciaire contre les voix critiques.
L’incarcération de Boualem Sansal est une atteinte inadmissible à la liberté d’expression. Cet écrivain courageux est poursuivi pour ses opinions, pour avoir osé critiquer le pouvoir en place. Nous exigeons sa libération immédiate et sans condition.
– Un collectif d’écrivains et d’artistes
Malgré la mobilisation, le sort de Boualem Sansal reste entre les mains de la justice algérienne. Beaucoup craignent qu’il ne soit condamné à une lourde peine lors de son procès dont la date n’a pas encore été fixée. Son avocat a dénoncé une procédure « politique » et des entraves au droit de la défense, s’étant vu refuser l’accès au dossier.
L’affaire Sansal illustre la dégradation de la situation des droits humains en Algérie, où la répression contre les opposants et la société civile s’est accentuée ces dernières années. Elle met aussi en lumière la crise diplomatique qui oppose Alger à Paris sur fond de contentieux historique et de rivalités régionales. Reste à voir si la pression internationale sera suffisante pour infléchir la position du pouvoir algérien et permettre la libération de l’écrivain octogénaire.
