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Le Portugal mobilise tous les moyens pour rétablir l’ordre

Après des nuits d'émeutes dans les banlieues de Lisbonne suite à la mort d'un homme noir lors d'une opération de police, le gouvernement portugais promet une réponse ferme pour rétablir l'ordre. Des manifestations sont prévues pour dénoncer les violences policières dans les quartiers.

Le gouvernement portugais a annoncé qu’il comptait mobiliser « tous les moyens » pour ramener le calme dans les banlieues de Lisbonne, théâtre de violences urbaines depuis trois nuits après le décès d’un homme noir lors d’une intervention policière controversée. Cette situation exceptionnelle pousse les autorités à une réponse musclée pour rétablir l’ordre au plus vite.

Un déploiement massif de forces pour juguler les émeutes

« Tous les moyens dont l’État dispose pour garantir la sécurité des personnes et des quartiers vont être déployés », a martelé le ministre porte-parole du gouvernement, Antonio Leitao Amaro, à l’issue d’une réunion de crise avec les maires des communes de la région métropolitaine de la capitale portugaise. Outre un renfort conséquent des effectifs policiers sur le terrain, le gouvernement compte s’appuyer sur des moyens de « surveillance aérienne » ainsi que sur le monitoring des réseaux sociaux pour identifier et interpeller les fauteurs de troubles « de façon proportionnelle, mais ferme ».

De nouvelles nuits de violence malgré les appels au calme

Malgré les appels au calme lancés par les autorités et des représentants associatifs, plusieurs quartiers populaires de la périphérie de Lisbonne ont de nouveau été le théâtre d’affrontements dans la nuit de mercredi à jeudi. Selon un bilan communiqué par la police, trois personnes ont été blessées, dont un chauffeur de bus grièvement brûlé au visage, au torse et aux bras. Deux bus et neuf autres véhicules ont été incendiés, tandis qu’une voiture de patrouille a été endommagée. Les forces de l’ordre ont procédé à treize nouvelles arrestations en marge de ces violences, un phénomène rare au Portugal qui secoue des quartiers périphériques abritant une forte population issue de l’immigration.

Le drame à l’origine des troubles remet en cause l’action de la police

C’est la mort d’un homme de 43 ans d’origine capverdienne dans la nuit de dimanche à lundi qui a mis le feu aux poudres. Selon la version officielle de la police, Odair Moniz aurait été abattu après avoir tenté de fuir un contrôle puis attaqué des agents au couteau. Mais plusieurs éléments rapportés par la presse locale remettent en question ce scénario. D’après ces informations, le policier auteur du tir mortel, âgé de seulement 20 ans, aurait déjà été mis en examen.

La société civile se mobilise pour dénoncer les violences policières

Face à ce drame, plusieurs mouvements antiracistes et associations de quartier ont appelé à une « manifestation pacifique » samedi dans le centre de Lisbonne pour protester « contre la violence policière dans les quartiers ». Cette mobilisation illustre les tensions persistantes entre les forces de l’ordre et une partie de la population qui dénonce un recours excessif à la force, en particulier à l’encontre des minorités. Un sentiment d’injustice exacerbé par le profil de la victime, un père de famille sans histoires connu pour son engagement associatif.

Notre communauté est sous le choc et en colère. Nous réclamons la vérité et la justice pour Odair. Les violences doivent cesser, de part et d’autre, mais il faut s’attaquer aux racines du problème qui empoisonne nos quartiers.

Un responsable associatif sous couvert d’anonymat

Un lourd passif entre police et jeunesse des quartiers

Si la mort d’Odair Moniz a servi de détonateur, les violences actuelles s’inscrivent dans un contexte de défiance ancienne entre les forces de l’ordre et une partie de la jeunesse des quartiers populaires. Des rapports successifs d’ONG et d’institutions comme la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) ont pointé des pratiques discriminatoires au sein de la police portugaise. Malgré des efforts affichés ces dernières années, le fossé reste profond comme en témoignent les événements en cours.

Le pouvoir sous pression pour apaiser la situation

Après trois nuits d’émeutes, le gouvernement est dos au mur. S’il met en avant sa volonté de rétablir l’ordre par tous les moyens, il sait aussi qu’une réponse uniquement sécuritaire ne suffira pas à ramener une paix durable. Plusieurs voix, y compris au sein de la majorité, plaident pour des mesures fortes en matière de lutte contre les discriminations et d’intégration des populations issues de l’immigration. Le premier ministre Antonio Costa, lui-même d’origine indienne, est attendu au tournant sur ce dossier explosif.

Nous ne laisserons pas une minorité mettre en péril la cohésion de notre société. Mais nous devons aussi entendre la colère et le désespoir qui s’expriment. C’est tout un modèle d’intégration qu’il nous faut repenser.

Un député de la majorité parlementaire

Vers une révision en profondeur des méthodes policières ?

Au-delà de l’émotion suscitée par la mort d’Odair Moniz, les violences qui secouent les banlieues de Lisbonne pourraient accélérer une remise à plat des pratiques policières dans les quartiers sensibles. Plusieurs pistes sont évoquées comme le renforcement de la formation aux techniques de désescalade, une meilleure représentativité des minorités dans les rangs des forces de l’ordre ou encore un contrôle accru des intervention par le biais des caméras-piétons. Des réformes de fond qui nécessiteront du temps et une réelle volonté politique pour voir le jour.

Les prochains jours s’annoncent décisifs pour le pouvoir portugais, confronté à un double défi sécuritaire et social. Si l’heure est à l’apaisement et au dialogue, la tentation d’un tour de vis répressif n’est pas à exclure si les troubles venaient à s’envenimer. Un scénario que redoutent les associations de terrain, bien décidées à faire entendre la voix des quartiers populaires dans ce moment charnière.

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