C’est un nouveau coup dur pour l’image de l’Abbé Pierre. Selon des informations rapportées par une source proche du dossier, le portrait emblématique du fondateur d’Emmaüs devrait bientôt disparaître de la façade du centre Emmaüs Gratte-Ciel de Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon. Les travaux pour effacer ce visage si familier devraient débuter dès la première semaine de janvier 2025.
Cette décision intervient quelques mois après les révélations choc concernant les accusations de violences sexuelles qui auraient été perpétrées par l’homme d’Église de son vivant. Depuis, l’association Emmaüs s’efforce de prendre ses distances avec l’image de celui qui fut pourtant son charismatique fondateur, afin de préserver son action caritative auprès des plus démunis.
Un portrait gommé de l’espace public
Le portrait de l’Abbé Pierre sur la devanture du centre Emmaüs de Villeurbanne n’est pas le seul à être voué à disparaître. Déjà, fin novembre, la figure du prêtre avait été effacée de la célèbre Fresque des Lyonnais, un mur peint du 1er arrondissement de Lyon où il côtoyait d’autres illustres personnages locaux.
Plus au sud, la commune d’Irigny, où l’Abbé Pierre a passé une partie de son enfance, a elle aussi décidé de stopper un projet de vitrine mémorielle qui devait lui rendre hommage. La question de la présence du religieux dans l’espace public agite de nombreuses municipalités depuis les accusations portées contre lui.
Des accusations qui ébranlent l’icône
Pour rappel, ce sont les témoignages de 24 femmes, recueillis par une enquête interne menée par Emmaüs International elle-même, qui ont fait vaciller le piédestal de l’Abbé Pierre. Ces femmes affirment avoir subi des violences sexuelles de la part du prêtre, qui se serait rendu coupable d’« actes contraires à la chasteté » selon la formule consacrée.
Si les faits, qui se seraient déroulés sur une période allant des années 1970 aux années 2000, sont aujourd’hui prescrits, ils n’en constituent pas moins un véritable séisme pour l’association fondée par l’abbé en 1949. Emmaüs, qui continue pourtant d’œuvrer au quotidien pour venir en aide aux exclus, peine depuis à se défaire de l’ombre de son créateur déchu.
Le difficile chemin de la reconstruction
Au-delà de l’effacement des représentations physiques de l’abbé, tout l’enjeu pour Emmaüs est désormais de réaffirmer son identité et ses valeurs, en les détachant de la personnalité de son fondateur. Un défi de taille pour ce mouvement caritatif mondialement connu, qui doit à la fois assumer son histoire et se reconstruire.
Cela passe notamment par une prise de parole assumée sur ces sujets sensibles. Interrogée récemment, la présidente d’Emmaüs France a rappelé l’importance de « regarder notre histoire en face », tout en soulignant la nécessité de « poursuivre notre combat, celui de l’accueil inconditionnel des exclus ».
Notre priorité, c’est d’abord de penser aux victimes et de leur apporter tout notre soutien. Mais c’est aussi de préserver l’œuvre collective d’Emmaüs, son esprit de solidarité et de fraternité qui demeure intact malgré cette terrible épreuve.
Une responsable d’Emmaüs
Pour l’heure, les poursuites judiciaires restent impossibles concernant l’Abbé Pierre, décédé en 2007 à l’âge de 94 ans. Mais l’association n’exclut pas de se constituer partie civile si des victimes venaient à saisir la justice, a précisé une source interne.
Ainsi, malgré le choc et la sidération provoqués par ces révélations, Emmaüs entend bien poursuivre son action en faveur des plus démunis. Avec ou sans le portrait de l’Abbé Pierre sur ses murs, l’essentiel reste de ne pas oublier le combat d’une vie : celui de la lutte contre la misère et l’exclusion.