A Busan, en Corée du Sud, les représentants de peuples indigènes du monde entier ont uni leurs voix pour alerter sur les dangers du plastique lors des négociations sur le premier traité mondial contre la pollution plastique. Un enjeu de santé publique crucial, encore trop souvent ignoré.
Le plastique, un tueur silencieux
Caleb Justin Smith-White, 33 ans, membre du peuple Aamjiwnaang au Canada, en est convaincu : le plastique a tué trois jeunes de son village, tous morts de leucémie. Un cancer devenu tristement banal dans sa région de Sarnia, surnommée « la vallée de la pétrochimie » ou « la vallée du cancer » en raison de la forte présence d’usines.
Si aucune étude n’a pu formellement lier ces cancers à la pollution, CJ pointe du doigt les fuites de benzène dans l’air, un composé cancérigène utilisé notamment dans la fabrication de plastiques comme le polystyrène. Son combat a contribué à la fermeture programmée d’ici 2026 d’une usine voisine, l’un des premiers fabricants mondiaux de styrène.
Une coalition mondiale contre la menace plastique
A Busan, CJ a rejoint une coalition de peuples indigènes venus du monde entier pour faire entendre leurs voix. De l’Alaska au Népal en passant par l’Australie ou le Brésil, les témoignages sur les méfaits du plastique pour la santé et l’environnement se sont accumulés.
Nous voyons se développer une crise du cancer dans plusieurs des communautés indigènes avec lesquelles nous travaillons.
Pamela Miller, directrice de l’ONG Alaska community action on toxics
Au Népal, c’est une vague de déchets plastiques qui a submergé certains villages de montagne, faute d’infrastructures adaptées. « Nous avons du plastique partout », se désole Prem Singh, originaire d’un village de l’ouest du pays. Selon lui, le plastique ingéré par le bétail provoque de nombreuses morts d’animaux.
Des additifs toxiques dans le viseur
Face à cette situation alarmante, de nombreux intervenants à Busan ont réclamé l’annexion au futur traité de listes d’additifs chimiques et de polymères dangereux pour la santé (bisphénol, phtalates…).
Des scientifiques ont appuyé cette demande, à l’image de la toxicologue environnementale Jane Muncke qui dénonce « la relation toxique » entre l’alimentation ultra-transformée et les emballages plastiques. Des microplastiques ont même été détectés dans le cerveau humain comme l’a révélé une étude présentée à Busan.
Autre preuve de l’impact sur la santé : une étude parue en juin dans The Lancet a montré qu’une naissance prématurée sur dix aux États-Unis était associée à l’exposition des femmes enceintes aux phtalates, présents dans de nombreux plastiques.
Les lobbys industriels minimisent les risques
Malgré ces données scientifiques préoccupantes, certains pays producteurs de pétrole comme la Russie ou l’Arabie saoudite, hostiles à un traité contraignant, ont publiquement nié les dangers du plastique pour la santé lors des débats.
Une attitude qui a contraint l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à sortir de sa réserve pour rectifier certains propos. « Si les réglementations sur les produits chimiques fonctionnaient si bien, pourquoi trouve-t-on ces substances dans le corps humain ? », s’est interrogée Sarah Dunlop, neurologue engagée venue d’Australie.
Un traité crucial pour la santé publique
Si les négociations sur le traité ont initialement été lancées pour préserver les océans, c’est bien la question de la santé humaine qui s’est progressivement imposée comme un enjeu central. Les communautés indigènes en première ligne face à la pollution plastique l’ont bien compris.
Leur mobilisation à Busan aura permis de mettre en lumière l’urgence d’agir face à cette menace invisible. Car derrière les chiffres et les études scientifiques, ce sont bien des vies humaines qui sont en jeu. Le plastique tue en silence, loin des projecteurs. Il est temps de briser ce silence assourdissant.