Dans un monde où le politiquement correct règne en maître, il est rafraîchissant de se plonger dans les écrits sans filtre d’une époque révolue. C’est exactement ce que propose la réédition en un seul volume des « Écrits sur le cinéma » de Pauline Kael, critique légendaire qui a officié principalement dans les pages du New Yorker entre 1967 et 1991. Un recueil qui est un véritable régal de fiel cultivé et de passion dévorante pour le 7e art.
Une plume acerbe au service du cinéma
Pauline Kael était réputée pour sa verve cruelle, sa mémoire sélective et sa mauvaise foi abyssale. Mais c’est justement ce qui faisait tout son charme et sa singularité dans le paysage de la critique cinématographique. Loin des considérations esthétiques alambiquées, elle allait droit au but, quitte à heurter les sensibilités.
Les films sont un merveilleux sujet de discussion, à condition de parler d’autre chose que de cinéma. La caméra on s’en fiche, le vrai sujet est la beauté éphémère, la quête de vérité fictive, le désir et la passion de la lumière, l’enfance éternelle et bien sûr la mort.
Pauline Kael
À travers ses critiques au vitriol, Pauline Kael nous rappelle que le cinéma est avant tout une affaire de sensations, d’émotions brutes. Peu importe la sophistication de la mise en scène si le film ne parvient pas à nous faire vibrer, à nous transporter dans un ailleurs.
Le cinéma comme miroir de nos vies
Pour Pauline Kael, les grands films sont ceux qui parviennent à capturer un fragment de vérité sur la condition humaine. Ceux qui nous renvoient à nos propres questionnements existentiels, nos doutes, nos espoirs. Loin des postures intellectuelles, elle cherchait dans les œuvres un écho à sa propre vie, à ses propres obsessions.
En cela, ses écrits sont un formidable témoignage sur le pouvoir cathartique du cinéma. Un art qui nous permet d’affronter nos démons intérieurs par procuration, de vivre mille vies en une seule. Avec sa plume acérée, Pauline Kael nous invite à nous laisser submerger par les images, à nous abandonner à la magie du grand écran.
Une vision à contre-courant
À l’heure où les réseaux sociaux et les diktats du politiquement correct ont tendance à uniformiser la pensée, replonger dans les écrits de Pauline Kael est un acte de rébellion salutaire. Une bouffée d’air frais qui nous rappelle que l’art n’a pas à se soumettre à la bien-pensance ambiante.
Ses textes sont un éloge de la subjectivité assumée, de la passion dévorante qui ne s’embarrasse pas de nuances. Un manifeste pour une critique engagée, qui ne craint pas de bousculer les convenances et les idées reçues.
L’héritage d’une plume libre
Plus de trente ans après sa disparition, les écrits de Pauline Kael n’ont rien perdu de leur mordant ni de leur pertinence. Ils sont une source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à aiguiser leur regard critique, à affirmer leur singularité dans un monde de plus en plus formaté.
Alors que le cinéma traverse une crise existentielle, entre la dictature des franchises et la concurrence des plateformes de streaming, relire Pauline Kael est aussi une manière de renouer avec l’essence même du 7e art. Une invitation à se laisser envoûter par la magie des images, à se laisser emporter par des histoires qui nous transcendent.
Car c’est bien là le secret de la longévité des écrits de Pauline Kael : au-delà des polémiques et des coups de griffe, ils témoignent d’un amour inconditionnel pour le cinéma. Un amour exigeant, passionnel, qui ne se satisfait pas de la médiocrité ambiante. Un amour qui nous pousse à chercher, film après film, ces petits miracles de mise en scène qui donnent tout son sens à la vie.