Au cœur d’un New Jersey en pleine mutation démographique, un candidat au Sénat fédéral est en passe de faire l’histoire. Andy Kim, actuel représentant démocrate, porte les espoirs d’une communauté asio-américaine qui a longtemps eu le sentiment d’être exclue de la vie politique de l’État. Avec la population asiatique qui a presque doublé en deux décennies pour atteindre 11% des habitants, cette élection sénatoriale pourrait bien sonner le réveil d’un électorat jusqu’ici négligé par les partis.
L’irrésistible ascension d’Andy Kim
Fils d’immigrés coréens, Andy Kim incarne à lui seul le visage changeant du New Jersey. Élu en 2018 à la Chambre des représentants dans un district qui avait voté deux fois pour Donald Trump, il a créé la surprise en devenant le premier Coréen-Américain à siéger au Congrès. Une victoire d’autant plus symbolique qu’il a dû surmonter les réticences de ceux qui lui conseillaient de ne pas mettre en avant ses origines.
Aujourd’hui donné favori dans les sondages pour les primaires démocrates face au sénateur sortant Bob Menendez, inculpé pour corruption, Andy Kim suscite un engouement sans précédent dans la communauté asiatique. Des électeurs qui n’avaient jamais été actifs en politique organisent désormais des collectes de fonds en son honneur.
Il représente une Amérique qui a une autre apparence que celle d’il y a 100 ans.
Gouri Sadhwani, électrice
Au-delà des clichés sur les électeurs asiatiques
Si le fait d’être asio-américain ne garantit pas un vote automatique de cette communauté, la candidature d’Andy Kim vient bousculer les idées reçues. Loin de se focaliser uniquement sur les questions liées à la xénophobie ou aux célébrations du Nouvel An lunaire, il a su montrer qu’il était à l’écoute des préoccupations de tous les électeurs : santé, éducation, économie…
Au-delà des différences culturelles, c’est surtout l’expérience partagée de l’immigration qui unit selon lui les communautés asiatiques du New Jersey, avec ce mélange de craintes et d’espoirs à l’arrivée dans un nouveau pays. Une dimension humaine qui transparaît dans ses actes, comme lorsqu’il a été photographié à genoux en train de nettoyer le Capitole après l’assaut du 6 janvier.
Les Asio-Américains, un électorat courtisé
Longtemps ignorés par les stratèges politiques, les Asio-Américains représentent désormais plus de 9% des électeurs potentiels dans le New Jersey, avec une croissance fulgurante de 42% en 10 ans. Un poids qui peut s’avérer décisif, comme dans le comté de Middlesex où ils constituent 38% de l’électorat.
Face à cette nouvelle donne, démocrates et républicains tentent de rattraper leur retard, conscients d’avoir négligé cet électorat pendant des années. Car au-delà de la barrière de la langue pour beaucoup d’immigrés de première génération, c’est surtout le sentiment que la politique n’était pas faite pour eux qui a longtemps prévalu.
L’histoire de l’immigrant, ce n’est pas de venir dans un nouveau pays pour s’engager en politique. C’est une question de survie, de mobilité sociale et de liberté.
Hyun-Ju Kwak, militante associative
Vers un nouvel âge politique pour les Asiatiques ?
Mais Andy Kim veut croire que le vent est en train de tourner. Le mûrissement des communautés asiatiques, avec l’émergence d’une jeune génération prête à s’engager, combiné au traumatisme des violences anti-asiatiques lors de la pandémie de Covid, a créé un “moment de mobilisation maximale” selon lui.
Sa candidature au Sénat n’est peut-être que la partie émergée de ce mouvement de fond. Mais elle pourrait bien marquer un tournant, en envoyant le premier sénateur américain d’origine coréenne au Congrès. Et surtout, en montrant à toute une communauté que sa voix compte et qu’elle a toute sa place dans le débat politique.