La polémique enfle en Italie après le refus de John Elkann, président du conseil d’administration du groupe automobile Stellantis, de venir s’exprimer devant une commission de la Chambre des députés. Des élus de tout bord politique ont vivement critiqué cette décision, y voyant un manque de respect envers les institutions du pays. Cet épisode relance les tensions entre le constructeur et le gouvernement de Giorgia Meloni, qui reproche à Stellantis de ne pas investir suffisamment sur le territoire italien.
Un camouflet pour le Parlement
En déclinant l’invitation du président de la Commission des activités productives, John Elkann a suscité l’indignation de nombreux députés. Matteo Salvini, vice-Premier ministre et chef de la Ligue, un parti anti-immigration, a dénoncé sur X (ex-Twitter) “une insulte honteuse aux institutions”. De son côté, Elly Schlein, dirigeante du Parti démocrate (centre gauche), a jugé “justifié de dénoncer le comportement” du patron de Stellantis.
Pour justifier son absence, John Elkann a expliqué dans un message qu’il n’y avait “aucun développement nouveau” depuis l’audition récente de Carlos Tavares, directeur général de Stellantis, devant cette même commission. Il a également souligné que les discussions entre le groupe et les autorités italiennes se poursuivaient dans d’autres cadres, notamment un groupe de travail institué auprès du ministère des Entreprises.
Stellantis sommé d’investir en Italie
Au cœur des tensions, la question des investissements de Stellantis dans la péninsule. Le gouvernement insiste pour que le groupe, né en 2021 de la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler, tienne son objectif de produire un million de voitures par an en Italie d’ici 2030. Il craint une délocalisation vers des pays où les coûts de production sont inférieurs.
Lors de son audition au Parlement, Carlos Tavares a mis en avant les problèmes rencontrés par Stellantis en Italie, en particulier le prix élevé de l’énergie qui renchérit les coûts. Il a appelé les législateurs à rendre les véhicules “accessibles à travers des incitations et des subventions”.
De son côté, le constructeur affirme que le niveau de production dépendra de la demande et que face à des voitures chères, l’État devrait prévoir des aides à l’achat. Or, pour redresser ses comptes déficitaires, l’exécutif prévoit au contraire de réduire les subventions destinées à la transition verte du secteur automobile.
Chute de la production et des effectifs
Depuis la naissance de Stellantis, les voyants sont au rouge pour la filière automobile italienne. Selon des sources syndicales, la production pourrait chuter de plus de 700 000 véhicules en 2023 à moins de 500 000 en 2024. Les effectifs du groupe dans la péninsule ont déjà fondu de plus de 10 000 personnes, passant d’environ 50 000 à 40 000 salariés.
Cette hémorragie industrielle alarme les élus locaux des régions concernées, qui craignent une catastrophe sociale. La pression monte sur le gouvernement pour qu’il obtienne des garanties auprès de Stellantis. Mais le groupe, qui doit gérer la transition vers l’électrique et faire face à une concurrence mondiale exacerbée, semble peu enclin aux concessions.
Bras de fer en perspective
L’absence de John Elkann au Parlement apparaît comme une fin de non-recevoir adressée au monde politique italien. Loin de calmer le jeu, elle risque au contraire de tendre encore plus les relations entre Stellantis et les autorités transalpines. Le groupe devra pourtant bien finir par clarifier ses intentions industrielles pour l’Italie.
Une table ronde doit se tenir d’ici la fin de l’année au siège du gouvernement, en présence de représentants de Stellantis. Ce sera peut-être l’occasion pour l’exécutif de brandir la menace de sanctions si ses demandes ne sont pas entendues. Mais le constructeur, en position de force, pourrait ne pas plier. Le Parlement, s’estimant méprisé, ne devrait pas en rester là. Il pourrait convoquer d’autres dirigeants du groupe ou lancer des missions d’information. Le feuilleton Stellantis est loin d’être terminé.