À l’approche d’élections législatives anticipées périlleuses en Allemagne, le chancelier Olaf Scholz se retrouve sous le feu des critiques après son entretien téléphonique avec Vladimir Poutine. Une initiative controversée qui semble s’inscrire dans une tentative de se présenter comme un “chancelier de la paix”, au risque de froisser ses alliés ukrainiens et européens.
Un appel qui passe mal
Vendredi dernier, Olaf Scholz s’est entretenu pendant une heure avec le président russe, une première entre les deux hommes depuis près de deux ans. Si le chancelier allemand affirme avoir voulu réaffirmer le soutien indéfectible de l’Allemagne à l’Ukraine, cette démarche a suscité l’incompréhension et la colère à Kiev.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a vivement critiqué cet échange, accusant Scholz d’avoir ouvert la “boîte de Pandore”. Une réaction partagée par le Premier ministre polonais Donald Tusk, pour qui cet appel démontre que “la diplomatie par téléphone ne peut remplacer un véritable soutien de l’Occident” à l’Ukraine.
Une manoeuvre électorale ?
En Allemagne, l’opposition conservatrice y voit surtout une manoeuvre électorale de la part d’un chancelier affaibli, qui a perdu sa majorité parlementaire. Scholz chercherait ainsi à se positionner comme l’homme du dialogue et de la négociation, alors que sa formation politique, le SPD, est largement distancée dans les sondages.
Il voulait surtout faire comprendre, en Allemagne, qu’il est celui qui mise sur les négociations, sur le dialogue.
Jürgen Hardt, porte-parole de la CDU pour la politique étrangère
Une stratégie risquée selon certains observateurs, qui estiment que le chancelier contribue ainsi à la propagande du Kremlin et méconnaît les véritables objectifs de la Russie dans ce conflit.
L’opinion publique allemande divisée
Cette initiative intervient alors qu’une partie de la population allemande s’inquiète de l’enlisement du conflit et des moyens engagés par Berlin pour soutenir l’Ukraine. Lors de récents scrutins régionaux, les partis d’extrême droite et d’extrême gauche, qui réclament l’arrêt des livraisons d’armes, ont réalisé des scores historiques.
Un signal alarmant à quelques mois des élections législatives, où ces formations pourraient jouer un rôle de premier plan. Face à cette menace, certains au sein du SPD appellent désormais Olaf Scholz à laisser sa place au populaire ministre de la Défense Boris Pistorius.
Un “mauvais signal” sur la scène internationale
Au-delà des frontières allemandes, cette démarche est perçue comme un “mauvais signal” à un moment où Donald Trump, connu pour ses positions ambiguës sur le conflit ukrainien, se prépare à retrouver la Maison Blanche. Pour l’ancien président français François Hollande, il n’est pas judicieux qu’un dirigeant européen de premier plan comme Scholz s’entretienne seul avec Poutine.
Sur le fond, cet appel n’a d’ailleurs rien apporté de nouveau, chacun campant sur ses positions. Reste à savoir si ce pari risqué permettra à Olaf Scholz de redorer son blason auprès des électeurs allemands ou s’il contribuera au contraire à fragiliser un peu plus sa position, à quelques mois d’un scrutin crucial pour l’avenir de l’Allemagne et de l’Europe.