Depuis son élection en 2013, le Pape François ne cesse de surprendre par ses prises de position et ses décisions parfois jugées déroutantes. Mais derrière cette apparente excentricité se cache en réalité une volonté de réforme en profondeur de l’Église Catholique. C’est ce que souligne Mgr Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger, qui sera bientôt élevé au rang de cardinal par le souverain pontife.
Un Pape qui bouscule les traditions
Nommer un cardinal en Mongolie plutôt qu’à Milan, ne pas se rendre à Notre-Dame de Paris mais partir en Corse une semaine après… Les choix du Pape François peuvent parfois sembler « un peu fous » de l’aveu même de Mgr Vesco. Pourtant, il ne s’agit pas de décisions irréfléchies mais au contraire mûrement pensées :
Je crois qu’il a tout à fait conscience de ce qu’il fait. Il a changé beaucoup de choses, comme davantage de femmes à la Curie.
Mgr Jean-Paul Vesco
Cette volonté de bousculer les codes et les traditions de l’Église se retrouve dans de nombreux actes du pontificat de François. De l’ouverture aux divorcés-remariés à la Laudato Si sur l’écologie en passant par la lutte contre les abus sexuels, le Pape argentin impulse un vent de réforme qui ne plaît pas à tous au Vatican.
Un conclave déjà en ligne de mire
En nommant 21 nouveaux cardinaux qui participeront au prochain conclave, dont Mgr Vesco, le Pape François prépare aussi l’avenir. Il façonne progressivement le profil du collège cardinalice qui sera amené à choisir son successeur, donnant plus de poids aux périphéries et aux petites églises locales.
Pour l’archevêque d’Alger, cette perspective est vertigineuse :
Il y a aussi un vertige à l’idée qu’on va participer au prochain conclave, ce qui est quelque chose d’énorme.
Mgr Jean-Paul Vesco
Entre la France et l’Algérie, une histoire douloureuse
Si le choix de Mgr Vesco, franco-algérien, intervient dans un contexte diplomatique tendu entre Paris et Alger, le nouvel homme de pourpre se refuse à jouer un rôle politique. Il espère néanmoins pouvoir œuvrer à la réconciliation entre les deux pays, dont l’histoire tourmentée reste une plaie ouverte :
Ces relations « déchirées » sont pour moi, intérieurement, une source de souffrance. C’est une plaie béante.
Mgr Jean-Paul Vesco
Un défi de taille pour ce pasteur devenu malgré lui un symbole des relations franco-algériennes. Mais Mgr Vesco peut compter sur le soutien d’un Pape qui n’a pas peur de bousculer les dogmes et de se lancer dans des missions jugées impossibles. Ensemble, ils incarnent ce vent nouveau qui souffle sur l’Église, entre audace et sagesse, tradition et réforme.
Les défis d’une Église en mutation
Au-delà de la personnalité atypique du Pape François, c’est toute l’Église Catholique qui est engagée dans un profond processus de transformation. Face à la sécularisation croissante des sociétés occidentales, à la crise des vocations et aux scandales qui ont entaché son image, l’institution pluriséculaire doit se réinventer.
Le pontificat de François représente à cet égard un tournant majeur. Par petites touches ou à travers des réformes de fond, il s’efforce de rendre l’Église plus proche des fidèles, plus à l’écoute des souffrances du monde. Une Église des périphéries et des pauvres, débarrassée de ses fastes et de ses tentations de repli.
Mais cette mue ne se fait pas sans résistances ni polémiques. De la fronde des traditionalistes au malaise de certains progressistes déçus par le rythme des réformes, le Pape doit naviguer en eaux troubles. Sa santé déclinante fait par ailleurs peser un voile d’incertitude sur l’avenir proche de la papauté.
Quel héritage pour François ?
Malgré ces obstacles, une chose est sûre : le pontificat de François aura marqué l’histoire de l’Église. À travers ses paroles, ses gestes et ses réformes, il aura imprimé sa marque et posé les jalons d’un catholicisme plus évangélique, plus missionnaire.
Les nouveaux cardinaux qu’il vient de créer, à l’image de Mgr Vesco, incarnent cette vision d’une Église ouverte et courageuse. Ils seront amenés à poursuivre son œuvre, à l’approfondir ou à l’amender. Mais une page se tourne d’ores et déjà, celle d’une Église figée dans ses certitudes et ses privilèges.
L’héritage de François sera donc à la fois spirituel et structurel. Spirituel, car il aura remis au cœur de la foi chrétienne la miséricorde, la fraternité, le souci des plus fragiles. Structurel, car il aura engagé des réformes de gouvernance destinées à rendre l’Église plus synodale, plus collégiale.
Un héritage en forme de défi pour les générations futures de catholiques. Car au-delà de la figure charismatique de François, c’est bien l’Évangile et sa puissance de transformation qui doivent continuer à inspirer l’Église dans sa marche vers le Royaume. Un Royaume dont ce pape atypique aura dessiné quelques traits, avec l’audace des prophètes et la douceur des pasteurs.