Près de 80 ans après les bombardements atomiques dévastateurs d’Hiroshima et Nagasaki, des rescapés japonais continuent de porter un message de paix. En cette année 2024, le comité Nobel a choisi de leur rendre hommage en décernant le prix Nobel de la Paix à l’association Nihon Hidankyo, qui rassemble des survivants œuvrant pour un monde débarrassé de l’arme nucléaire.
C’est à l’hôtel de ville d’Oslo que les trois coprésidents de Nihon Hidankyo recevront la prestigieuse récompense ce mardi. Un symbole fort à l’heure où la menace atomique resurgit, brandiepar certains États comme la Russie.
Les leçons des « hibakusha », les rescapés d’Hiroshima et Nagasaki
Nihon Hidankyo s’appuie sur les témoignages poignants des « hibakusha », les survivants des bombes larguées par les États-Unis les 6 et 9 août 1945 sur Hiroshima et Nagasaki. Ces attaques, qui firent quelque 214 000 morts, précipitèrent la fin de la Seconde Guerre mondiale mais laissèrent des séquelles indélébiles.
Terumi Tanaka, 92 ans, est l’un de ces hibakusha. Il avait 13 ans quand la bombe a pulvérisé Nagasaki, tuant cinq membres de sa famille. Depuis, avec ses camarades rescapés, il n’a de cesse d’alerter sur les effets dévastateurs du nucléaire.
L’humanité pourrait disparaître avant même que le changement climatique ne déploie ses effets dévastateurs.
Terumi Tanaka, coprésident de Nihon Hidankyo
La résurgence inquiétante de la menace nucléaire
Malheureusement, leur message résonne avec une acuité particulière aujourd’hui. Le spectre d’une guerre atomique, que l’on croyait disparu avec la Guerre Froide, ressurgit dans les discours de certains dirigeants comme Vladimir Poutine.
Le président russe a récemment fait modifier par décret la doctrine nucléaire de son pays, dont l’arsenal est le plus important au monde. En novembre dernier, Moscou a mené un tir « démonstratif » de missile balistique conçu pour emporter une charge nucléaire, dans le contexte de la guerre en Ukraine. Un acte vivement dénoncé par la communauté internationale.
Je pense que le président Poutine ne comprend pas vraiment ce que les armes nucléaires représentent pour les êtres humains, de quel type d’arme il s’agit.
Terumi Tanaka
D’autres foyers de prolifération nucléaire dans le monde
Au-delà de la Russie, d’autres pays suscitent l’inquiétude. La Corée du Nord multiplie les essais de missiles balistiques tandis que l’Iran est soupçonné de chercher à se doter de la bombe, malgré ses démentis. Neuf pays détiennent officiellement l’arme atomique à ce jour: les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), ainsi que l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et probablement Israël.
Le traité d’interdiction des armes nucléaires, une avancée symbolique
Face à ces dangers, la société civile se mobilise. En 2017, 122 pays ont adopté à l’ONU le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Ce texte historique a cependant une portée essentiellement symbolique puisqu’aucun État doté de l’arme atomique ne l’a signé à ce jour.
Il est crucial pour l’humanité de préserver le tabou nucléaire, de stigmatiser ces armes comme étant moralement inacceptables.
Jørgen Watne Frydnes, président du comité Nobel
C’est tout le sens du prix Nobel de la Paix décerné à Nihon Hidankyo. En honorant les rescapés d’Hiroshima et Nagasaki, le comité norvégien souhaite rappeler l’urgence absolue d’en finir avec ces armes de destruction massive. Un message d’espoir et un appel à la raison, dans un monde où les vieux démons nucléaires semblent à nouveau se déchaîner.