Dans un rebondissement inattendu, le gouvernement du Nigeria a décidé mercredi de retirer les accusations de blanchiment d’argent qui pesaient sur Tigran Gambaryan, un haut responsable de Binance, la plus grande plateforme d’échange de cryptomonnaies au monde. Cette décision surprenante intervient alors que M. Gambaryan, un citoyen américain en charge de la conformité en matière de criminalité financière chez Binance, était détenu depuis février dernier au Nigeria.
Selon une source proche du dossier, les autorités nigérianes accusaient Binance et son dirigeant d’avoir blanchi environ 35 millions de dollars, soit près de 32 millions d’euros. Des allégations fermement démenties par la société et M. Gambaryan. Mais coup de théâtre mercredi, lorsqu’un avocat de l’agence gouvernementale nigériane de lutte contre la corruption a annoncé l’abandon des poursuites, invoquant la dégradation de l’état de santé du responsable de Binance.
Le Nigeria durcit le ton face aux cryptomonnaies
Ce revirement intervient dans un contexte de surveillance accrue des cryptomonnaies par les autorités nigérianes, qui cherchent à endiguer la chute de la valeur du naira, la monnaie nationale. Le Nigeria, première économie d’Afrique, a ainsi imposé des restrictions sur les échanges de devises virtuelles. En réaction, Binance avait annoncé en mars dernier la cessation de ses activités en naira.
Malgré l’abandon des accusations contre M. Gambaryan, Binance n’est pas tirée d’affaire pour autant. D’autres poursuites distinctes pour blanchiment d’argent sont toujours en cours contre la société, qui continue de nier les faits reprochés. Le procès a d’ailleurs été ajourné jusqu’en novembre prochain. Contactés, ni Binance ni l’agence gouvernementale nigériane de lutte contre la corruption n’ont souhaité commenter l’affaire dans l’immédiat.
Binance, géant controversé des cryptomonnaies
Fondée en 2017, la plateforme Binance s’est rapidement imposée comme un acteur majeur du marché des échanges en cryptomonnaies. Son succès fulgurant a fait la fortune de son fondateur, Changpeng Zhao, qui a démissionné fin 2022. Mais ce développement s’est accompagné de nombreuses controverses.
Outre les poursuites au Nigeria, Binance a fait l’objet d’enquêtes du Trésor américain. Celles-ci ont révélé que la société n’avait pas réussi à empêcher des transactions réalisées au profit de groupes djihadistes tels que l’État islamique, Al-Qaïda ou encore la branche armée du Hamas. M. Zhao, ressortissant canadien, a lui-même été condamné en avril dernier à 4 mois de prison aux États-Unis après avoir plaidé coupable dans une retentissante affaire de blanchiment d’argent liée aux cryptomonnaies.
Les défis de la régulation des cryptomonnaies
Le cas Binance illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les régulateurs du monde entier face à l’essor des cryptomonnaies. Ces actifs décentralisés et hautement volatils, qui échappent largement au contrôle des autorités traditionnelles, sont régulièrement pointés du doigt pour leur rôle dans des activités illicites comme le blanchiment d’argent, la fraude ou le financement du terrorisme.
Les gouvernements et les régulateurs doivent trouver un équilibre délicat entre l’encouragement de l’innovation financière et la protection des consommateurs et de l’intégrité du système financier.
– Un expert du secteur des cryptomonnaies
Mais réguler ce marché décentralisé et transnational s’avère être un véritable casse-tête pour les autorités. Chaque pays adopte sa propre approche, allant de l’interdiction pure et simple à une acceptation enthousiaste, en passant par différents niveaux de réglementation. Une harmonisation internationale des règles semble encore lointaine, malgré les appels de certains acteurs.
Dans ce contexte, les affaires comme celles impliquant Binance risquent de se multiplier, mettant en lumière les zones d’ombre de cet écosystème en pleine expansion. Les partisans des cryptomonnaies y voient un passage obligé vers une plus grande maturité et crédibilité du secteur. Mais pour leurs détracteurs, ces scandales à répétition prouvent la nécessité d’un encadrement bien plus strict de ces actifs décriés.
Une chose est sûre : le débat sur la régulation des cryptomonnaies est loin d’être clos. Et les prochains épisodes judiciaires impliquant les grands noms du secteur, à commencer par Binance, seront scrutés avec attention par l’ensemble des acteurs – investisseurs, entrepreneurs, régulateurs – de cette industrie en pleine ébullition. L’avenir nous dira si l’innovation saura trouver sa voie entre opportunités et dérives.