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Le N.1 malien reçoit le chef de fait soudanais pour une visite de 48h

Rencontre au sommet entre les chefs des juntes malienne et soudanaise. 48h de discussions à huis clos sur fond de crises multiples. Quels enjeux géostratégiques se cachent derrière cette visite ? Les détails qui intriguent...

Alors que le Mali et le Soudan traversent chacun des crises profondes, une rencontre au plus haut niveau vient de se tenir à Bamako. Le général Assimi Goïta, chef de la junte malienne, a en effet reçu samedi son homologue soudanais, le général Abdel Fattah al-Burhane, pour une visite qualifiée « d’amitié et de travail ». Mais derrière ces termes diplomatiques, quels sont les véritables enjeux de ces discussions ?

Deux pays, deux putschs

Pour comprendre le contexte de cette rencontre, il faut revenir sur le parcours des deux protagonistes. Au Mali, c’est en août 2020 qu’Assimi Goïta, alors colonel, renverse avec d’autres officiers le président civil élu. Un an plus tard, c’est au tour d’Abdel Fattah al-Burhane de mener un putsch au Soudan, évincant les civils de l’exécutif qu’il présidait depuis la chute du dictateur Omar el-Béchir en 2019. Des trajectoires similaires qui rapprochent aujourd’hui ces chefs de facto.

Mali : une crise multidimensionnelle

Mais les points communs ne s’arrêtent pas là. Les deux pays font en effet face à des défis sécuritaires et politiques majeurs. Selon des sources proches du dossier, le Mali est confronté depuis 2012 à des rébellions djihadistes et indépendantistes sur fond de crise multidimensionnelle. Un cocktail explosif qui déstabilise profondément le pays et la sous-région.

Le Mali traverse l’une des pires crises de son histoire. Tous les ingrédients sont réunis pour une situation très préoccupante.

Un diplomate occidental en poste à Bamako

Soudan : une guerre fratricide

Au Soudan, c’est une véritable guerre civile qui ravage le pays depuis le mois de janvier 2023. À l’origine de ce conflit fratricide : la rivalité entre l’ancien second du général Burhane, le général Mohamed Hamdan Daglo dit « Hemedti », et l’armée régulière. Les combats ont déjà fait des centaines de morts et des milliers de déplacés, plongeant le Soudan dans le chaos.

Un agenda chargé mais opaque

C’est donc dans ce contexte pour le moins tendu que s’inscrit la visite du général Burhane à Bamako. Selon la présidence malienne, les deux hommes auront de « nombreuses activités » au programme de ces 48h, sans plus de précisions. Une opacité qui intrigue les observateurs, tant les sujets de discussion potentiels sont nombreux.

  • Coopération sécuritaire et militaire
  • Gestion des transitions politiques
  • Positionnement vis-à-vis des partenaires étrangers

Autant de questions cruciales pour l’avenir du Mali et du Soudan, mais aussi plus largement pour la stabilité de toute la région sahélienne. Car ces deux pays occupent une place centrale de par leur position géographique et leur poids démographique, économique et culturel.

Entre Russie et Occident, un jeu d’équilibriste

Dans ce jeu d’alliances complexe, les relations avec les puissances étrangères constituent un enjeu majeur. Depuis les putschs, Bamako comme Khartoum se sont en effet rapprochés de la Russie, au grand dam des Occidentaux. La junte malienne a rompu l’alliance historique avec la France et s’est associée aux mercenaires du groupe Wagner. Une bascule géopolitique lourde de conséquences.

En se tournant vers Moscou, les autorités de transition maliennes et soudanaises cherchent de nouveaux soutiens face aux pressions occidentales. Mais c’est un jeu risqué.

Une source diplomatique à l’ONU

Car la Russie n’est pas un partenaire comme les autres. Selon certains experts, Moscou instrumentalise les fragilités sahéliennes pour étendre son influence sur le continent. Et la guerre en Ukraine rebat les cartes, poussant le Kremlin à revoir ses priorités, notamment en Syrie où il dispose de bases. Ce qui pourrait modifier son appui aux opérations africaines.

Vers un axe Bamako-Khartoum-Bissau ?

C’est dans ce contexte géopolitique mouvant que s’inscrit la visite du général Burhane. Une visite qui pourrait préfigurer l’émergence d’un axe entre pays dirigés par des militaires putschistes. Un scénario crédibilisé par l’annonce d’un déplacement du chef soudanais en Guinée-Bissau dans la foulée de son séjour malien.

Des liens qui inquiètent certaines capitales occidentales, promptes à dénoncer un « axe des juntes » menaçant leurs intérêts. Mais pour les dirigeants concernés, il s’agit d’abord d’une solidarité naturelle entre pays confrontés à des défis similaires. Une façon de se serrer les coudes face aux pressions extérieures.

Quelles implications pour les populations ?

Au-delà de ces considérations géostratégiques, c’est bien sûr l’impact de ces alliances militaro-politiques sur le quotidien des Maliens et des Soudanais qui est en jeu. Des populations qui aspirent d’abord à la sécurité et à une amélioration de leurs conditions de vie, mises à mal par des années de crise.

Des attentes immenses mais pour l’heure sans réponse, tant les juntes semblent focalisées sur leur maintien au pouvoir. À Bamako comme à Khartoum, la transition vers un pouvoir civil semble chaque jour plus lointaine, suscitant frustrations et tensions. Un engrenage dangereux dans des sociétés fragilisées.

Les militaires nous avaient promis la sécurité et la stabilité. Mais pour l’instant, on ne voit rien venir. On a juste l’impression qu’ils se servent du pays pour leurs propres intérêts.

Oumar, un commerçant de Bamako

Une équation complexe

Pour les chefs des juntes malienne et soudanaise, l’équation est donc complexe. Il leur faut à la fois assoir leur pouvoir, gérer des crises sécuritaires majeures, ménager des opinions publiques sous tension et jouer des alliances étrangères concurrentes. Un exercice d’équilibriste périlleux dont l’issue est plus qu’incertaine.

C’est tout l’enjeu de cette visite de 48h à Bamako. Au-delà des discussions à huis clos, les deux généraux putschistes devront convaincre qu’ils ont une véritable feuille de route pour sortir leurs pays respectifs de l’ornière. Un défi immense aux allures de mission impossible tant les obstacles semblent nombreux.

Une chose est sûre : de Bamako à Khartoum en passant par Bissau, les militaires au pouvoir jouent une partition dangereuse dont les fausses notes pourraient se payer cher. Pour eux-mêmes comme pour les populations dont ils ont confisqué les destins. Les prochains mois seront décisifs.

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