Le départ inattendu de Carlos Tavares de son poste de directeur général du groupe Stellantis, quatrième constructeur automobile mondial, a créé une onde de choc dans l’industrie. Après une carrière fulgurante qui l’a vu redresser avec brio le groupe PSA puis orchestrer la méga-fusion avec Fiat Chrysler, le dirigeant charismatique quitte le navire un an avant la fin prévue de son mandat. Une décision qui intervient dans un contexte tendu, sur fond de résultats en berne, notamment sur le marché clé des États-Unis.
Pour succéder à celui qui était devenu en quelques années l’un des patrons les plus respectés et craints du secteur, les meilleurs chasseurs de têtes internationaux sont sur le pont. La mission s’annonce délicate tant la personnalité et le style de management de Carlos Tavares ont imprimé leur marque sur le groupe né en janvier 2021 de la fusion entre PSA et FCA.
Combler le vide laissé par un patron hors-norme
Redoutable stratège, Carlos Tavares avait patiemment positionné ses pions pour prendre le contrôle de l’italo-américain Fiat Chrysler et créer un nouveau géant automobile prêt à affronter la révolution électrique. Son départ soudain laisse un grand vide à la tête d’un groupe aux multiples défis. Il faudra au nouveau pilote une stature internationale, une fine connaissance de l’industrie auto, mais aussi l’étoffe d’un leader capable de fédérer des équipes multiculturelles autour d’une vision claire.
Selon une source proche du dossier, les recruteurs prestigieux ont activé leurs réseaux au plus haut niveau, à commencer par celui surnommé les « SHREK » (pour Spencer Stuart, Heidrick & Struggles, Russell Reynolds, Egon Zehnder et Korn Ferry), le club très fermé des géants mondiaux de la chasse de tête. « L’un des SHREK est sûrement déjà sur le coup » confie cet initié.
Recherche profil : vision stratégique et sens politique
Au-delà d’un solide CV, la personnalité et le style de leadership seront décisifs. Après le règne en solitaire de Carlos Tavares, connu pour son management exigeant voire autoritaire, Stellantis aura besoin d’un dirigeant plus diplomate, à l’aise dans les subtils jeux de pouvoir entre les grandes familles actionnaires, Agnelli côté italien et Peugeot côté français. « Le groupe est encore une jeune pousse issue d’un mariage multinational. Le nouveau patron devra avoir un vrai sens politique pour en consolider les équilibres » souligne un cadre dirigeant ayant requis l’anonymat.
Plusieurs noms circulent déjà dans les hautes sphères du capitalisme automobile européen, certains évoquant un profil « à la Luca de Meo », en référence au patron italien qui a redressé de façon spectaculaire Renault, ou « à la Ola Källenius », le PDG suédois qui transforme en profondeur Mercedes. Mais la short list des heureux élus potentiels reste jalousement gardée par les comités de nomination des deux côtés des Alpes.
Course contre la montre pour tenir la feuille de route
En attendant l’arrivée du nouveau PDG, prévue au premier semestre 2025, c’est John Elkann qui assurera l’intérim à la tête d’un comité exécutif ad hoc. L’héritier de la dynastie Agnelli et président du conseil d’administration de Stellantis aura la lourde tâche de rassurer marchés, salariés et partenaires industriels sur la continuité stratégique du groupe.
« John Elkann a déjà prouvé sa valeur dans la gestion des transitions de leadership, comme chez Ferrari ou CNH Industrial. Les actionnaires lui font confiance pour tenir la barre dans la tempête », affirme un banquier d’affaires habitué des arcanes du capitalisme transalpin.
Mais le temps presse car Stellantis est attendu sur plusieurs dossiers chauds : montée en puissance dans l’électrification, redressement de la rentabilité en Chine, rationalisation des usines en Italie… Alors que de nombreux observateurs prédisent un ralentissement, voire une consolidation du marché automobile mondial, garder le cap sans véritable capitaine risque de compliquer la tâche du groupe.
Certes, Carlos Tavares laisse derrière lui une entreprise financièrement solide et technologiquement bien positionnée. Mais dans l’univers ultra-compétitif de l’automobile, où les vents peuvent tourner très vite, nul ne se risque à parier sur l’avenir de Stellantis sans son charismatique timonier. La chasse au leader providentiel est lancée, avec l’espoir d’écrire une nouvelle page de la saga industrielle la plus suivie du moment.