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Le Mouvement Féministe Sud-Coréen 4B Fait Des Vagues Aux États-Unis

Le mouvement féministe radical sud-coréen "4B" est devenu viral aux USA après la victoire de Trump. Reflet d'une tendance globale de réaction sexiste ? Les femmes américaines vont-elles massivement y adhérer ? Décryptage d'un phénomène émergent qui pourrait bien s'ancrer durablement...

Imaginez un monde où les femmes disent non aux rencontres amoureuses, au sexe, au mariage et même à l’idée d’élever des enfants avec un homme. C’est la philosophie du mouvement féministe radical sud-coréen “4B”, qui signifie littéralement “quatre nons” dans la langue du pays du matin calme. Et depuis la réélection controversée de Donald Trump à la présidence des États-Unis en novembre 2024, ce courant de pensée extrême fait une percée fulgurante outre-Atlantique, devenant viral sur les réseaux sociaux américains.

Les origines du mouvement 4B en Corée du Sud

Né au milieu des années 2010 en réaction aux inégalités persistantes entre les sexes, aux rôles genrés stricts dans les couples et à une vague de cybercrimes et violences sexuelles, le mouvement 4B prône une mise à distance radicale des hommes. Dans une société où les femmes effectuent 3,5 fois plus de tâches ménagères que leurs compagnons selon les statistiques officielles, beaucoup en ont assez “d’une culture masculine qui prétend se comporter correctement envers les femmes, et derrière partagent des vidéos sexuelles de leurs petites amies avec leurs amis” dénonce Baek Ga-eul, une adepte de 33 ans pour qui 4B a permis “d’être un être humain à part entière, et pas seulement un être réservé aux hommes ou aux enfants”.

Malgré sa portée subversive dans un pays qui détient l’un des plus faibles taux de natalité au monde, où le nombre de mariages s’effondre et 42% des foyers ne comptent qu’une seule personne, le mouvement 4B est longtemps resté marginal en Corée du Sud. C’était sans compter sur un événement à plus de 11 000 kilomètres de là, qui allait propulser ses idées sur le devant de la scène internationale…

L’élection de Trump vue comme une défaite pour les droits des femmes

Le 5 novembre 2024, au lendemain de la victoire surprise de Donald Trump qui décroche un second mandat à la Maison Blanche, “4B” devient soudainement l’un des mots clés les plus recherchés sur Google aux États-Unis. Des vidéos liées à ce mouvement sont massivement partagées sur TikTok et Facebook : on y voit des Américaines se raser la tête en signe de protestation contre la réélection d’un président qu’elles jugent misogyne et rétrograde sur les droits des femmes.

Pour beaucoup, ces élections ont été perçues comme un véritable référendum sur la question, notamment en raison de la nomination par Trump de trois juges conservateurs à la Cour suprême, entraînant la fin de la garantie fédérale du droit à l’avortement. “Les Américaines ont réalisé que les hommes ne les considèrent pas comme leurs égales” analyse Baek Ga-eul, ravie de voir son combat essaimer à l’international.

Boycotter les hommes est une des façons les plus efficaces de montrer la gravité du sexisme

Kang Ji-young, participante au mouvement 4B

Le reflet d’une tendance globale de “réaction sexiste” ?

Au-delà du cas sud-coréen, l’engouement pour 4B pourrait être annonciateur d’une lame de fond bien plus large. “Le fossé entre les sexes que nous observons dans le comportement électoral n’est pas propre à un pays, mais indique une tendance globale de réaction sexiste parmi une base croissante d’hommes en situation de précarité économique” souligne Sharon Yoon, professeur d’études coréennes à l’université Notre Dame, pour qui la montée en puissance de Trump “va susciter une forte réponse des femmes américaines”.

Déjà, les signes d’une polarisation accrue des votes en fonction du genre se multiplient, comme lors de la présidentielle sud-coréenne de 2022 remportée par le conservateur Yoon Suk-yeol, qui avait promis d’abolir le ministère de l’Égalité des sexes. Une dynamique similaire semble à l’œuvre aux États-Unis, où “la solidarité [des Américaines] avec les femmes coréennes du mouvement 4B doit être considérée comme l’une des manifestations de cette tendance émergente, mais pas la seule” prévient la chercheuse.

Quel avenir pour le féminisme à l’ère de 4B ?

Si la viralité de 4B est indéniable, la question de sa pérennité reste ouverte. Pour Keung Yoon Bae, professeure en études coréennes, ce mouvement reflète avant tout “la nature insoutenable des normes patriarcales préexistantes de la société coréenne à la lumière de l’augmentation considérable du nombre de femmes performantes et bien éduquées”. Un constat qui pourrait tout aussi bien s’appliquer aux États-Unis, où les progrès des femmes se heurtent à des résistances farouches.

Mais concrètement, combien d’Américaines seront prêtes à renoncer aux hommes, dans une société qui valorise toujours autant le couple et la famille traditionnelle ? Les idées radicales de 4B ont-elles une chance de s’imposer durablement, ou ne sont-elles qu’un épiphénomène passager, symptôme d’un contexte post-électoral tendu ? Une chose est sûre : à l’heure des réseaux sociaux et des crises à répétition, la bataille culturelle autour du féminisme n’a jamais été aussi ouverte et internationale. Et nul ne peut prédire quelles nouvelles formes elle prendra demain.

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