En ce 4 juin 2023, nous commémorons le 34e anniversaire d’un événement qui a marqué l’histoire contemporaine de la Chine : le massacre de la place Tiananmen. Ce jour-là, en 1989, l’armée chinoise a violemment réprimé un mouvement pro-démocratie qui occupait pacifiquement la célèbre place de Pékin depuis six semaines. Retour sur ce moment tragique et ses conséquences.
L’Origine du Mouvement : La Mort d’un Réformateur
Tout commence en avril 1989, lorsque Hu Yaobang, un dirigeant communiste réformateur apprécié des intellectuels et des étudiants, meurt d’une crise cardiaque. Sa disparition provoque une vague d’émotion et ravive les espoirs de changement politique. Des étudiants se rassemblent spontanément sur la place Tiananmen pour lui rendre hommage et réclamer plus de liberté et de démocratie.
Les étudiants demandaient la fin de la corruption, plus de transparence et de liberté d’expression, une presse libre. Ils voulaient des réformes, pas un renversement du régime.
Zhang Jian, ancien manifestant
L’Amplification des Manifestations
Au fil des jours, les rassemblements prennent de l’ampleur. Des milliers d’étudiants installent un campement sur la place, entament des grèves de la faim, défilent dans les rues de Pékin. Ils sont rejoints par des ouvriers, des fonctionnaires, des citoyens ordinaires. Le mouvement essaime dans d’autres villes. C’est un véritable éveil politique qui secoue la Chine.
Face à cette contestation inédite, les dirigeants communistes sont divisés. Certains, comme le secrétaire général du Parti Zhao Ziyang, sont favorables au dialogue. Mais les durs du régime, menés par Deng Xiaoping, refusent toute concession. Après avoir instauré la loi martiale à Pékin à la mi-mai, ils optent pour la manière forte.
La Répression Sanglante du 4 Juin
Dans la nuit du 3 au 4 juin, des colonnes de chars et des troupes de l’armée convergent vers le centre de Pékin. Malgré les tentatives des habitants pour les stopper, ils prennent position autour de la place Tiananmen. Peu avant l’aube, ils ouvrent le feu sur la foule des manifestants, faisant des milliers de victimes, tuées ou blessées.
La répression se poursuit dans les jours suivants, avec des arrestations massives. Le mouvement pro-démocratie est écrasé dans le sang. Son bilan exact reste inconnu, les autorités chinoises imposant un black-out sur le sujet. Les estimations vont de plusieurs centaines à plusieurs milliers de morts.
J’ai vu des étudiants tomber sous les balles, des chars écraser des corps. C’était un massacre, une boucherie.
Chen Xitong, maire de Pékin en 1989
Les Conséquences et la Mémoire Censurée
Après le 4 juin, le régime chinois se referme. La répression contre les dissidents s’intensifie. Les espoirs de réformes et d’ouverture politique sont douchés pour longtemps. Sur le plan économique en revanche, le gouvernement accélère les réformes libérales pour favoriser la croissance, espérant ainsi étouffer toute contestation.
Aujourd’hui en Chine, évoquer le massacre de Tiananmen reste tabou. La censure veille à effacer toute référence dans les livres, les médias, sur internet. Les nouvelles générations n’apprennent rien de cet événement à l’école. Seule la mémoire individuelle et clandestine des familles de victimes et des exilés perpétue le souvenir.
Chaque année, je me rends en secret sur les tombes des victimes. Je ne peux en parler à personne, même pas à mes enfants. Mais je n’oublie pas.
Zhang Xianling, mère d’une victime
34 ans après, le massacre du 4 juin 1989 reste une plaie ouverte dans l’histoire et la société chinoises. Si le sujet demeure interdit en Chine, à l’étranger, chaque anniversaire est l’occasion de rappeler cette tragédie et d’honorer la mémoire de ceux qui se sont battus pour la liberté ce printemps-là.
Sources :
- The Tiananmen Papers, de Andrew J. Nathan, 2002
- Les Années Tiananmen, de Tianshi Ji, 2021
- Pékin 1989 : A l’intérieur du Mouvement démocratique chinois, de Tom Miller, 2020
