Le séisme qui secoue actuellement le marché mondial des semi-conducteurs n’épargne pas l’Europe. Alors que les géants américains et asiatiques se livrent une bataille sans merci pour dominer ce secteur hautement stratégique, les acteurs du Vieux Continent peinent à trouver leur place dans ce nouvel échiquier. Entre ralentissement des débouchés traditionnels et émergence de nouveaux marchés porteurs, l’industrie européenne des puces électroniques traverse une zone de turbulences sans précédent.
Un marché en pleine recomposition
D’après des sources proches du dossier, le marché européen des semi-conducteurs subit de plein fouet les effets d’une profonde recomposition de la demande mondiale :
- Les secteurs automobile et industriel, traditionnels points forts de l’Europe, marquent le pas face au ralentissement économique
- À l’inverse, les composants dédiés à l’intelligence artificielle et aux data centers, domaines où les acteurs européens sont moins présents, connaissent un véritable boom
- Cette évolution rapide des débouchés oblige les fabricants de puces à revoir en profondeur leur stratégie et leurs investissements
Face à ce nouveau contexte, les ambitions affichées par Bruxelles de doubler la part de marché de l’Europe à horizon 2030 semblent de plus en plus difficiles à tenir. Lors d’une récente table ronde, un haut responsable européen a ainsi reconnu qu’il fallait revoir les objectifs à la baisse, visant désormais 11% de parts de marché contre 8% actuellement.
STMicroelectronics, symbole des difficultés européennes
Le groupe franco-italien STMicroelectronics illustre bien les défis auxquels sont confrontés les ténors européens des semi-conducteurs. Malgré des résultats records en 2022, le fabricant voit ses carnets de commandes fondre dans l’automobile et l’industrie. A contrario, il peine encore à percer significativement sur les marchés d’avenir comme l’IA ou les data centers, dominés par les mastodontes américains et asiatiques.
On a vécu un véritable séisme sur le business, avec un basculement extrêmement rapide de la demande. Il faut qu’on accélère notre diversification pour ne pas rater le train des nouveaux marchés.
Un cadre dirigeant de STMicroelectronics
Une nouvelle donne géopolitique
Au-delà des mouvements de marché, le secteur des semi-conducteurs se retrouve plus que jamais pris dans des enjeux géopolitiques de grande ampleur. Entre tensions sino-américaines, volonté d’autonomie stratégique des grandes puissances et course aux subventions, le jeu mondial s’annonce complexe pour les prochaines années.
Dans ce contexte, l’Europe doit urgemment renforcer ses atouts pour exister entre les deux géants. Les investissements massifs prévus dans le cadre du Chips Act vont dans le bon sens, mais il faudra aussi miser sur l’innovation de rupture pour se différencier. Des partenariats ciblés avec des acteurs américains et asiatiques peuvent aussi permettre de se positionner rapidement sur certaines niches.
Une chose est sûre : face à ce séisme économique et géopolitique, l’industrie européenne des semi-conducteurs n’a pas fini de se réinventer. Reste à voir si elle saura saisir les opportunités de ce marché en plein bouleversement pour rebondir et peser à nouveau dans la compétition mondiale. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir d’un secteur aussi crucial que stratégique pour la souveraineté technologique du Vieux Continent.
