Chaque année, la ville de Nice perpétue une tradition vieille de près de deux siècles : le vœu du maire à la Vierge Marie. Mais cette cérémonie religieuse, à laquelle participent des élus de la République, ne fait pas l’unanimité. Certains y voient une entorse au principe de laïcité, tandis que d’autres défendent un héritage culturel et identitaire. Retour sur une polémique qui enflamme la cité azuréenne.
Aux origines du vœu : une épidémie de choléra miraculeusement évitée
L’histoire remonte à 1832. Cette année-là, une épidémie de choléra menace la ville de Nice. Les autorités s’engagent alors à ériger une église et à assister chaque année à une messe si la cité est épargnée. Contre toute attente, aucun cas n’est détecté. Le « miracle » est attribué à la protection divine, et la promesse sera tenue.
Près de deux siècles plus tard, la tradition perdure. Ce dimanche, le maire Christian Estrosi (Horizons) a renouvelé le vœu en confiant « les destinées de la ville à Notre-Dame des Grâces ». Une procession a conduit les élus jusqu’à l’église du Vœu, spécialement bâtie à l’époque, pour une messe en présence de l’édile et de sa compagne.
Un « héritage chrétien » revendiqué
Pour Christian Estrosi, cette cérémonie s’inscrit dans la continuité d’une tradition établie « avant le rattachement du comté de Nice à la France ». Le maire assume ainsi l’identité et « l’héritage chrétien » de sa ville. Son allié politique Éric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes, voit même dans ce vœu « une part essentielle de notre identité niçoise et les symboles de nos racines chrétiennes ».
Des critiques sur la laïcité
Mais tous ne l’entendent pas de cette oreille. Depuis plusieurs années, des voix s’élèvent pour dénoncer ce qui est perçu comme une entorse à la laïcité. Jean-Christophe Picard, élu écologiste, a exprimé son agacement sur les réseaux sociaux : « C’est de pire en pire à mesure que les élections approchent. » Au conseil municipal, il s’était déjà étonné des invitations à des messes mobilisant « les moyens de la ville », y voyant « une atteinte à la laïcité déguisée ».
Il ne faut pas mélanger tradition et religion pour au fond faire un discours politique.
– Juliette Chesnel Le-Roux, chef de file du groupe écologiste au conseil municipal de Nice
Pour l’édile, il n’y a pas matière à polémique. La mairie a assuré respecter la loi de 1905, tout en soulignant que le vœu était « bien enregistré par les services de la préfecture comme un texte qui s’applique ». Par le passé, Christian Estrosi a également participé à des célébrations d’autres confessions, comme la prière de l’Aïd el-Fitr, suscitant cette fois le courroux d’élus d’extrême-droite.
Une frontière ténue entre folklore et religion
Au cœur du débat, la question de la frontière entre tradition locale et manifestation religieuse. Si pour certains le vœu relève du folklore et constitue un atout touristique, à l’image de la fête du citron à Menton, d’autres pointent une récupération politique et une mise à mal de la neutralité des institutions.
Un élu a ainsi saisi le référent laïcité de la collectivité. Une demande balayée par l’adjoint au maire Anthony Borré, pour qui « la laïcité, ce n’est pas l’ignorance des religions, de la culture, de l’histoire des traditions ». Le débat est loin d’être tranché, et cette tradition séculaire promet encore de faire couler beaucoup d’encre sur la Côte d’Azur.