C’est un secret de polichinelle qui se confirme à Marseille. Depuis plusieurs années, le loup se fraye discrètement un chemin dans les majestueuses calanques de la cité phocéenne. Au cœur des 8500 hectares du parc national, le canidé partage son territoire avec les sangliers qui prolifèrent et sèment la pagaille dans les quartiers sud de la ville. Un nouvel enregistrement sonore vient aujourd’hui prouver sans équivoque la présence du loup dans cet écosystème méditerranéen unique.
Des hurlements captés en pleine nuit
L’enregistrement, transmis par une riveraine de la calanque de Sormiou et authentifié par l’Observatoire du loup, ne laisse planer aucun doute. En pleine nuit, les hurlements caractéristiques des loups résonnent, entrecoupés par moment d’aboiements de chiens. D’après les experts, il s’agirait d’une phase d’émulation où plusieurs individus cherchent à retrouver leur meute en criant à la lune.
On entend bien que c’est une phase d’émulation et qu’il y a plusieurs loups. Ils sont engagés dans une sorte de ronde qui les pousse à hurler pour retrouver le groupe.
Jean-Luc Valérie, porte-parole de l’Observatoire du loup
Selon les estimations, au moins deux groupes de loups seraient présents dans les calanques, dont un comportant six individus. La plupart sont nés sur place et descendent d’une lignée italienne, tandis que d’autres viendraient probablement de la Drôme. Une cohabitation somme toute naturelle pour les spécialistes, mais qui n’est pas sans susciter quelques inquiétudes.
Une présence qui divise
Si les attaques de loup sur l’homme restent exceptionnelles en France, avec seulement 2 ou 3 cas recensés ces 15 dernières années, la proximité de ces prédateurs avec les zones habitées et touristiques des calanques pose question. Certains riverains craignent pour leur sécurité et celle de leurs animaux de compagnie, même si aucun incident n’a été signalé pour le moment.
D’autres y voient au contraire le signe d’un écosystème en bonne santé, où la biodiversité reprend ses droits. La présence du loup pourrait même contribuer à réguler la population de sangliers qui pullulent et dévastent jardins et poubelles.
Avant, on ne voyait les sangliers que la nuit. Maintenant c’est en plein jour qu’ils descendent et saccagent tout sur leur passage. Si les loups peuvent nous en débarrasser, tant mieux !
Une habitante du sud de Marseille
Un équilibre fragile à préserver
Au-delà des peurs et des fantasmes, le retour du loup dans les calanques est avant tout le reflet d’un espace naturel préservé, où faune et flore méditerranéennes peuvent s’épanouir à deux pas de la deuxième ville de France. Un trésor écologique dont les marseillais peuvent être fiers, mais qui demande une vigilance de tous les instants.
Car si le loup a toute sa place dans cet écosystème, sa cohabitation avec les activités humaines reste un défi. Randonneurs, grimpeurs, baigneurs sont de plus en plus nombreux à arpenter les sentiers des calanques, avec les dérangements que cela peut occasionner pour la faune sauvage.
Des campagnes de sensibilisation sont menées pour encourager des comportements respectueux et limiter l’impact des visiteurs sur ce milieu naturel fragile. La règlementation du parc interdit notamment de quitter les sentiers balisés, de faire du feu ou de camper sauvagement.
Vers une coexistence apaisée ?
Des mesures spécifiques pourraient également être prises vis-à-vis du loup, comme le déploiement de clôtures électriques ou de chiens de protection autour des zones habitées les plus proches. Un système d’effarouchement par flash lumineux est aussi à l’étude pour dissuader les individus trop curieux de s’approcher des hommes.
Mais pour les défenseurs de l’environnement, la priorité reste de laisser la nature reprendre ses droits, en limitant au maximum l’empreinte humaine. Un retour aux sources en quelque sorte, pour renouer avec l’âme sauvage de ces lieux chargés d’histoire.
La présence du loup est un cadeau, le signe que la vie sous toutes ses formes peut s’épanouir ici. À nous de nous montrer dignes de ce cadeau, en étant des visiteurs respectueux et émerveillés.
Un guide naturaliste du parc national des Calanques
Alors faudra-t-il apprendre à écouter le chant des loups résonner sous la lune, comme une ode à la nature retrouvée ? Une chose est sûre, le loup n’a pas fini de faire parler de lui dans les calanques et bien au-delà. Et si sa présence dérange autant qu’elle fascine, elle est peut-être le prix à payer pour préserver la magie de ces lieux uniques, aux portes de la cité phocéenne.
