Une mystérieuse attaque contre un canal d’eau vital au Kosovo a ravivé les tensions avec la Serbie voisine, faisant craindre une nouvelle escalade dans cette poudrière des Balkans. Alors que Pristina accuse ouvertement Belgrade d’avoir « orchestré » l’offensive, le président serbe Aleksandar Vucic rejette en bloc ces allégations, dénonçant une « attaque hybride » contre son pays.
L’incident s’est produit vendredi soir près de la ville de Zubin Potok, dans le nord-ouest du Kosovo, une région à majorité serbe. Une explosion a endommagé un important canal d’approvisionnement en eau potable, affectant des milliers de foyers ainsi que le secteur énergétique kosovar. Selon Pristina, il s’agit de « la pire attaque contre les infrastructures » depuis la fin de la guerre contre la Serbie en 1999.
La Serbie pointée du doigt par Pristina
Le Premier ministre kosovar Albin Kurti n’a pas mâché ses mots, affirmant qu’il était « impossible que ces actes aient été commis par un individu ou un citoyen lambda ». Pour lui, seule la Serbie dispose des « capacités, moyens et intérêts » pour mener une telle opération.
Des organisations professionnelles spécialisées dans ce type d’attaques terroristes sont derrière tout cela.
– Albin Kurti, Premier ministre du Kosovo
Selon une source proche du gouvernement kosovar, cette attaque s’inscrirait dans une stratégie serbe visant à déstabiliser le nord du Kosovo, considéré par Belgrade comme faisant toujours partie de son territoire malgré l’indépendance proclamée en 2008. La minorité serbe locale subit en effet d’intenses pressions de Pristina pour reconnaître l’autorité des institutions kosovares.
Belgrade rejette les accusations « infondées »
De son côté, le président serbe Aleksandar Vucic a vigoureusement démenti toute implication, affirmant que son pays n’avait « aucun lien » avec l’incident. Il a dénoncé une « attaque hybride, grande et féroce » orchestrée contre la Serbie, assurant que Belgrade menait sa propre enquête.
Je ne vais pas aujourd’hui affirmer que l’attaque a été ordonnée par Kurti. L’enquête va montrer (le commanditaire), parce que nous menons aussi notre propre enquête.
– Aleksandar Vucic, Président de la Serbie
Selon des analystes, ces accusations mutuelles reflètent la persistance d’un conflit larvé entre les deux pays, malgré les efforts de médiation de la communauté internationale. Le nord du Kosovo, où vit une importante minorité serbe, reste une zone extrêmement instable, régulièrement secouée par des regains de violence.
Une région au bord de l’embrasement
Cet incident survient dans un contexte particulièrement tendu, alors que le cessez-le-feu conclu en 1999 entre la Serbie et le Kosovo semble plus fragile que jamais. Ces derniers mois, plusieurs affrontements sporadiques ont opposé les forces kosovares aux Serbes locaux, faisant craindre une reprise des hostilités à grande échelle.
- En 2021, des barricades érigées par des Serbes avaient bloqué les accès au nord du Kosovo pendant plusieurs semaines.
- En 2022, l’assassinat d’un policier kosovar par un commando armé serbe avait ravivé les braises mal éteintes du conflit.
- Début 2023, des heurts avaient éclaté lors d’élections municipales boycottées par la minorité serbe.
Pour tenter d’apaiser la situation, l’OTAN a annoncé le déploiement de forces supplémentaires au Kosovo. Mais selon des experts, seul un dialogue sincère entre Pristina et Belgrade permettra de sortir durablement de l’impasse actuelle. Un scénario qui semble hélas encore lointain, tant la méfiance reste vive de part et d’autre.
Les Balkans, une poudrière sur le flanc est de l’Europe
Au-delà de la querelle serbo-kosovare, c’est toute la stabilité des Balkans qui est en jeu. Vingt-cinq ans après la fin des guerres yougoslaves, cette région reste une zone grise et instable aux portes de l’Union européenne. Entre tensions interethniques, criminalité endémique et influences extérieures, les facteurs de déstabilisation ne manquent pas.
Les Balkans sont le ventre mou de l’Europe, un espace de projection pour des puissances comme la Russie, la Turquie ou la Chine.
– Un diplomate européen, sous couvert d’anonymat
Face à ces défis, l’UE tente d’accélérer l’intégration de la région, en conditionnant celle-ci à des réformes démocratiques et à la normalisation des relations entre voisins. Mais le processus s’avère laborieux, tant les crispations nationalistes restent vives et les intérêts divergents. L’attaque du canal d’eau au Kosovo vient rappeler la fragilité des équilibres et la nécessité d’une vigilance constante pour préserver la paix.
Épilogue : la vérité victime collatérale ?
Au final, il est à craindre que la vérité sur les responsabilités de l’attaque ne soit la grande absente de cette nouvelle crise. Pris dans le maelström des accusations et contre-accusations, des fake news et de la désinformation, le fil des événements risque de se perdre dans les limbes des intérêts géopolitiques.
Comme souvent dans les Balkans, les faits risquent d’être noyés sous les flots tumultueux de rhétoriques nationalistes et de théories complotistes. Une vérité fragmentée, partielle, qui laisse le champ libre à toutes les instrumentalisations. Au détriment des populations civiles, premières victimes de ces tensions sans fin dans une région qui peine à tourner la page des déchirements du passé.