Dans un contexte de montée de l’extrémisme religieux, les autorités du Kirghizistan, pays musulman et laïque d’Asie centrale, s’apprêtent à renforcer l’encadrement de la religion, et notamment de l’islam. Une initiative qui fait écho à la loi controversée sur le « séparatisme » adoptée en France en 2021, visant à lutter contre l’islamisme radical.
Selon des sources proches du dossier, le Parlement kirghize, dominé par le parti présidentiel, a adopté mardi en première lecture des amendements à la loi « sur la liberté de religion et les associations religieuses ». Ces modifications, initiées par le gouvernement, prévoient notamment :
- L’interdiction des partis politiques à base religieuse
- L’interdiction des activités de prédication de porte-à-porte
- La création d' »organes centraux » pour réguler les associations religieuses
- L’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour suivre un enseignement religieux à l’étranger
Inquiétudes face à la radicalisation
Ce durcissement intervient alors que les autorités kirghizes s’alarment de la progression de l’extrémisme religieux dans le pays. Comme le rapportent plusieurs médias locaux, une centaine de mosquées, principalement dans le sud du pays réputé plus religieux, ont été fermées ces deux dernières années.
De plus, les forces de l’ordre annoncent régulièrement l’arrestation de membres présumés de divers groupes jihadistes et le rapatriement de familles parties combattre au Moyen-Orient. En novembre dernier, le président Sadyr Japarov avait ainsi convoqué les principaux chefs religieux, les exhortant à participer à la « lutte contre les éléments radicaux ».
Un phénomène qui touche toute l’Asie centrale post-soviétique
La situation du Kirghizistan est symptomatique d’une tendance plus large en Asie centrale depuis l’effondrement de l’URSS et la fin de décennies d’athéisme d’État. Cette vaste région, qui englobe également le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Turkménistan, a vu des milliers de ses ressortissants rejoindre des organisations jihadistes en Syrie et en Irak, en particulier entre 2013 et 2015.
Très récemment, l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui regroupe plusieurs pays de la zone, s’est inquiétée de la présence de combattants centrasiatiques dans les rangs des groupes islamistes en Syrie ayant fait chuter le régime en décembre.
Entre liberté religieuse et sécurité nationale
Si le spectre de la radicalisation est bien réel, les mesures prises par le Kirghizistan, comme celles adoptées en France avec la loi sur le « séparatisme », soulèvent des questions quant à l’équilibre délicat entre la préservation de la liberté religieuse et les impératifs de sécurité nationale.
Les autorités kirghizes parviendront-elles, par ce contrôle renforcé, à endiguer l’extrémisme sans porter atteinte aux droits des croyants ? Quelle sera la réaction de la population et des organisations religieuses face à cette reprise en main ? Autant d’interrogations qui devront trouver réponse dans les mois à venir, alors que le pays s’engage dans une nouvelle étape de la régulation du fait religieux.
La lutte contre l’extrémisme est un défi majeur pour nos sociétés, mais elle ne doit pas se faire au détriment des libertés fondamentales. Un équilibre subtil et un dialogue constant sont plus que jamais nécessaires.
Un expert des questions religieuses en Asie centrale
Face à la menace jihadiste, le Kirghizistan a choisi la voie d’un encadrement strict de la religion. Une stratégie qui comporte sa part de risques et qui sera scrutée avec attention, au-delà même des frontières de ce petit pays montagneux coincé entre la Chine et les steppes kazakhes.