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Le Kenya Expulse 4 Réfugiés Turcs Malgré les Critiques

Le Kenya a expulsé 4 réfugiés turcs vers la Turquie malgré les mises en garde d'Amnesty sur les risques de violations de leurs droits. Les autorités kényanes ont cédé à la demande turque au mépris du principe de non-refoulement. Que leur réserve le régime d'Erdogan ?

Un drame humanitaire se joue actuellement entre le Kenya et la Turquie, où le sort de quatre réfugiés turcs est en jeu. Malgré les appels pressants d’Amnesty International à leur libération immédiate, le gouvernement kényan a annoncé lundi avoir “rapatrié” vendredi dernier ces quatre individus vers la Turquie, bravant ainsi le principe fondamental de non-refoulement inscrit dans le droit international.

Selon des sources proches du dossier, les autorités kényanes auraient cédé aux pressions de la Turquie, arguant de leurs “solides relations historiques et stratégiques”. Ankara aurait demandé le renvoi de ces ressortissants turcs, présentés comme des “réfugiés” par Nairobi mais considérés comme des demandeurs d’asile par Amnesty. Le Kenya affirme avoir reçu l’assurance que les quatre hommes seront “traités avec dignité” une fois livrés à la Turquie d’Erdogan.

Amnesty dénonce un “enlèvement” et craint le pire

Mais l’ONG de défense des droits humains n’est pas dupe. Dans un communiqué au vitriol publié samedi, Amnesty a condamné l'”enlèvement” des réfugiés, parmi lesquels figureraient Öztürk Uzun, Alparslan Tasçı et Hüseyin Yesilsu, et souligné que “les enlèvements et les renvois forcés vers les pays qu’ils ont fuis constituent une violation directe du principe de non-refoulement”. Un principe cardinal du droit d’asile, qui interdit de renvoyer une personne vers un pays où elle risque d’être persécutée.

En cas d’expulsion vers la Turquie, les quatre hommes “courraient un risque considérable de graves violations des droits humains”, a mis en garde Amnesty. Et pour cause : depuis le coup d’État avorté de 2016, le régime de Recep Tayyip Erdogan multiplie les purges contre les dissidents présumés, dans un climat de répression féroce dénoncé par les défenseurs des libertés.

Le spectre des procès inéquitables et de la torture

Les partisans supposés du prédicateur Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi le putsch, ont été les premières cibles de la traque, avant que celle-ci ne s’étende à la mouvance prokurde, aux médias critiques et aux ONG. Arrestations arbitraires, procès iniques, allégations de torture : les associations de défense des droits humains documentent régulièrement les exactions qui se déroulent sous le manteau du “processus judiciaire” turc.

Qu’adviendra-t-il des quatre “rapatriés” kényans une fois livrés à l’appareil sécuritaire de l’AKP, le parti islamo-conservateur au pouvoir depuis deux décennies ? Seront-ils accueillis comme des “réfugiés” et autorisés à jouir de leurs droits comme l’assure Ankara ? Ou jetés en pâture à la machine répressive d’un régime prompt à broyer les voix discordantes ? Amnesty et d’autres observateurs penchent hélas pour la seconde option.

Le Kenya complice de violations des droits humains ?

Pour l’heure, le sort des quatre Turcs expulsés du Kenya reste en suspens. Mais une chose est sûre : en acceptant de les livrer à un pays où ils risquent la persécution, Nairobi a failli à ses engagements en matière de protection des réfugiés. Une entorse grave au sacro-saint principe de non-refoulement, pierre angulaire du droit d’asile.

Sous couvert de “solides relations historiques et stratégiques” avec la Turquie, le Kenya se rend ainsi potentiellement complice de violations caractérisées des droits humains, trahissant au passage sa tradition d’hospitalité envers les exilés. Un renoncement d’autant plus inquiétant que Nairobi, sous la pression d’Ankara, envoie un signal délétère aux autres pays d’accueil : celui que les principes humanitaires peuvent être sacrifiés sur l’autel des intérêts diplomatiques.

Reste à espérer que la communauté internationale, ONU et ONG en tête, fasse entendre sa voix pour que les autorités turques respectent les droits des quatre expulsés, et que le Kenya ne récidive pas dans ce genre de renvois forcés, contraires à la légalité internationale et à la dignité humaine. Le non-refoulement n’est pas une option, mais un devoir pour tout État attaché à l’État de droit.

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