Il était une fois Jupiter, dieu tout-puissant régnant sur l’Olympe politique français. Mais les temps changent, et même les divinités peuvent vaciller. C’est le cas d’Emmanuel Macron, président de la République naguère comparé au maître des cieux, qui semble aujourd’hui plus proche d’un Saturne déchu, confronté à une crise politique majeure et un pouvoir fragilisé.
Un Jupiter foudroyé
Élu en 2017 dans un contexte de renouveau politique, Emmanuel Macron incarnait l’image d’un dirigeant jeune, dynamique et ambitieux. Son mouvement En Marche ! avait bousculé les codes traditionnels, lui permettant d’accéder à l’Élysée avec une large majorité à l’Assemblée nationale. Fort de cette assise, le président nouvellement élu n’hésitait pas à endosser les attributs d’un Jupiter moderne, gouvernant avec autorité et centralisant les décisions.
La décision d’Emmanuel Macron de convoquer des élections qu’il est presque certain de perdre a fait voler en éclats son propre parti, sa présidence et peut-être le système politique de son pays.
– Daniel Johnson, The Telegraph
Mais les récentes turbulences ont mis à mal cette image. La dissolution surprise de l’Assemblée nationale, décidée par le président suite à l’utilisation du 49.3 pour faire passer sa réforme des retraites, a débouché sur un résultat inattendu : la perte de la majorité absolue pour le parti présidentiel et une poussée des extrêmes.
Un pari risqué
En déclenchant ce scrutin anticipé, Emmanuel Macron a pris un pari hautement risqué. Alors que rien ne l’y obligeait, il a choisi de jouer son va-tout politique, espérant sans doute retrouver une majorité stable lui permettant de gouverner sereinement. Mais cette stratégie s’est retournée contre lui, le privant au contraire de marge de manœuvre.
- Le parti présidentiel privé de majorité absolue
- Poussée des extrêmes, RN et NUPES en force
- Paysage politique morcelé et instable
Cette décision hasardeuse n’est pas sans rappeler le précédent de David Cameron au Royaume-Uni. En 2016, le Premier ministre conservateur avait organisé un référendum sur le Brexit, certain de l’emporter. Mais le peuple britannique en a décidé autrement, précipitant le pays dans une crise politique durable dont il peine encore à se relever.
De Jupiter à Saturne
Pour Emmanuel Macron, cette séquence électorale ratée marque un tournant dans sa présidence. Le dirigeant jupitérien, maître des horloges et du calendrier politique, a perdu de sa superbe. Contraint de composer avec des oppositions renforcées, il va devoir changer de logiciel et apprendre le compromis.
La France sombre dans le chaos et Macron n’est plus maître de son destin. Tel un Saturne impuissant, il voit son pouvoir s’effriter.
– The Telegraph
Cette métamorphose forcée, d’un Jupiter flamboyant à un Saturne vacillant, est suivie avec attention par les observateurs étrangers. Outre-Manche, les commentateurs britanniques ne cachent pas une certaine schadenfreude face aux déboires de celui qui se posait en héraut de l’Europe post-Brexit. Eux qui ont connu les affres d’une vie politique tumultueuse depuis le référendum de 2016 observent, non sans ironie, le grand plongeon du président français.
L’épreuve du feu
Pour Emmanuel Macron, l’heure est venue de relever un défi inédit. Lui qui avait théorisé la “présidence jupitérienne” va devoir réinventer sa pratique du pouvoir, en trouvant un subtil équilibre entre fermeté et négociation. Une gageure dans un contexte explosif, où les oppositions n’entendent pas lui faciliter la tâche.
- Apprendre à composer avec les oppositions
- Trouver des compromis sur les réformes clés
- Recréer du lien avec une opinion dubitative
Tel un Saturne déchu mais combatif, le président va devoir puiser dans ses ressources pour éviter l’enlisement et la paralysie. Il en va de la réussite de son second mandat, mais aussi de la stabilité politique du pays. Un crash-test grandeur nature pour celui qui rêvait de régner sans partage sur l’Olympe.
Car au-delà de son cas personnel, c’est bien la solidité du système politique français qui est en jeu. Fragilisé par la crise des Gilets jaunes, ébranlé par la contestation de la réforme des retraites, il affronte désormais une nouvelle secousse avec un Parlement polarisé et sans majorité claire. De quoi s’interroger sur sa capacité à absorber les chocs et à produire de la gouvernabilité.
Alors, Emmanuel Macron parviendra-t-il à se réinventer en Saturne, après avoir tutoyé les étoiles en Jupiter ? C’est tout l’enjeu de cette nouvelle phase qui s’ouvre, dans un contexte politique incertain où tous les repères ont volé en éclats. Une métamorphose aussi improbable que nécessaire, pour un président confronté à l’épreuve du feu.