Le projet de mariage entre deux poids lourds américains de la mode vient de voler en éclats. Une juge fédérale a mis son veto jeudi à l’acquisition du groupe Capri Holdings, propriétaire des marques Michael Kors et Versace, par son rival Tapestry. Cette union à 8,5 milliards de dollars devait donner naissance à un titan du luxe, mais elle soulevait des inquiétudes sur la concurrence.
La FTC s’oppose à la concentration dans la mode
C’est un succès pour l’Autorité américaine de la concurrence, la FTC, qui avait saisi la justice pour bloquer ce rapprochement. Selon elle, la fusion aurait assuré une position “dominante” au nouveau groupe, notamment sur le marché des sacs à main haut de gamme.
La juge Jennifer Rochon a suivi l’argumentaire de la FTC, estimant que le mariage “mettrait fin au face-à-face entre deux concurrents directs”. Elle souligne l’existence de “preuves selon lesquelles cette fusion amoindrirait la concurrence”.
Un camouflet pour Tapestry et ses ambitions
Cette décision constitue un revers cuisant pour Tapestry, qui rêvait de bâtir “un puissant groupe mondial de marques de mode et de luxe”, selon les mots de sa directrice générale Joanne Crevoiserat. Le groupe new-yorkais, qui possède déjà Coach, Kate Spade et Stuart Weitzman, y voyait une opportunité de muscler son portefeuille.
Tapestry a qualifié le jugement de “décevant” et “incorrect sur le plan des faits et du droit”. Il compte faire appel, mais la route s’annonce ardue. Car les actions des autorités pour contrer des fusions dans la mode sont rares, au vu de la fragmentation du marché.
Tapestry et Capri évoluent dans une industrie intensément concurrentielle et très fragmentée
Tapestry, dans un communiqué
Capri dans la tourmente, Michael Kors à la peine
La nouvelle a fait l’effet d’une bombe sur l’action de Capri Holdings, qui a perdu plus de 46% dans les échanges d’après-Bourse. Un plongeon qui reflète les doutes sur l’avenir du groupe en solo, alors que ses marques sont à la peine.
Sur son dernier exercice, Capri a vu son chiffre d’affaires reculer, en particulier chez Michael Kors (-9%). Jadis prisée d’une clientèle exigeante, l’enseigne souffre d’une image détériorée par une stratégie marketing hésitante et des rabais excessifs. Redresser la barre s’annonce périlleux.
Une industrie de la mode en pleine recomposition
Au-delà du cas Tapestry-Capri, cette affaire illustre les défis d’un secteur de la mode en mutation. Face aux bouleversements technologiques et à l’évolution des attentes des consommateurs, les groupes cherchent à se renforcer par des acquisitions.
Mais la route est semée d’embûches, comme le montre le veto des autorités américaines. Celles-ci veulent préserver une concurrence vigoureuse, dans l’intérêt des clients. Un enjeu crucial alors que le marché du luxe se démocratise et que de nouveaux acteurs émergent.
Les prochains mois diront si la consolidation du secteur peut se poursuivre malgré ces obstacles. Une chose est sûre : dans cette industrie ultra-compétitive, seuls les plus agiles et innovants tireront leur épingle du jeu. La bataille pour séduire des consommateurs volatils ne fait que commencer.