Au Niger, la liberté de la presse est une nouvelle fois mise à mal. L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a appelé lundi à la « libération immédiate » de Seyni Amadou, rédacteur en chef de l’importante chaîne de télévision privée Canal 3 TV. Ce dernier a été interpellé et placé en garde à vue après avoir été suspendu par le ministère de la Communication du régime militaire au pouvoir depuis juillet 2023.
Une suspension et une arrestation arbitraires
Vendredi dernier, sans motif apparent, le ministère a annoncé la suspension pour trois mois de Seyni Amadou et pour un mois de sa chaîne Canal 3 TV. Cette décision faisait suite à la diffusion d’un sujet jugé critique sur l’efficacité des membres du gouvernement. RSF dénonce ces « suspensions illégales » et rapporte que le journaliste a été « interpellé au siège de la télévision » samedi, puis placé en garde à vue.
Selon l’avocat de Seyni Amadou cité par l’ONG, les chefs d’accusation retenus contre lui sont « diffusion de données de nature à troubler l’ordre public », « atteinte à la sûreté de l’État » et « jet de discrédit sur les institutions de la République ». Des allégations graves qui semblent disproportionnées au regard du contenu diffusé par Canal 3 TV.
Un « baromètre » annuel des ministres qui dérange
La chaîne avait en effet diffusé le « Baromètre des membres du gouvernement en 2024 », une chronique réalisée chaque année depuis une décennie. Dans celle-ci, Seyni Amadou évaluait « sur un ton décalé » les performances de chaque ministre. Un exercice visiblement mal perçu par le pouvoir en place, qui n’a pas hésité à faire taire cette voix critique.
Des associations de journalistes dénoncent une atteinte à la liberté d’expression
Plusieurs associations nigériennes de journalistes et d’éditeurs, comme le Réseau des radios et télévisions indépendantes du Niger (R/RTIN) et l’Association nigérienne des éditeurs de la presse indépendante (ANEPI), ont condamné ces sanctions « non fondées ». Elles défendent « le droit à la critique des médias sur l’action publique », un principe fondamental d’une presse libre et indépendante.
« Le droit à la critique des médias sur l’action publique est un principe fondamental d’une presse libre et indépendante. »
– R/RTIN et ANEPI
Une autre organisation, le Cadre d’action des professionnels des médias (CAP-Médias-Niger), déplore également ces mesures liberticides. Il est à noter que le Niger occupe la 80ème place sur 180 pays dans le classement 2024 de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières. Un classement qui risque de se dégrader au vu des événements récents.
Un contexte de répression des médias depuis le coup d’État de 2023
Le cas de Seyni Amadou n’est malheureusement pas isolé. Depuis le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a porté les militaires au pouvoir, plusieurs journalistes ont été inquiétés pour avoir exercé leur métier. Idrissa Soumana Maiga, directeur du quotidien « L’Enquêteur », avait été emprisonné de avril à juillet 2024 pour « atteinte à la défense nationale » avant d’obtenir une libération provisoire.
En septembre et octobre 2023, la journaliste Samira Sabou avait également été interpellée et détenue au secret, avant d’être remise en liberté provisoire et inculpée notamment pour diffusion de données de nature à troubler l’ordre public. Le régime militaire a aussi suspendu la diffusion de plusieurs médias internationaux comme RFI, France 24 et la BBC.
La liberté de la presse, un combat de tous les instants
Face à cette situation préoccupante, les organisations de défense de la liberté de la presse comme RSF se mobilisent pour soutenir les journalistes nigériens et faire pression sur les autorités. La libération de Seyni Amadou et la levée des suspensions de Canal 3 TV sont des priorités pour permettre aux médias de continuer à jouer leur rôle essentiel d’information et de contre-pouvoir.
Mais au-delà de ces cas individuels, c’est tout l’environnement médiatique qui doit être préservé et consolidé au Niger comme ailleurs. Car sans liberté de la presse, c’est la démocratie et l’État de droit qui sont menacés. Un combat crucial et permanent que mènent chaque jour les journalistes et leurs soutiens à travers le monde.