En ce 22 juin 1941, lorsque Winston Churchill apprend l’invasion de l’Union Soviétique par les troupes d’Hitler, il ne peut contenir sa satisfaction. Enfin, la pression allemande va se relâcher sur son pays exsangue ! Mais le Premier ministre britannique, farouche opposant au bolchévisme, sait aussi qu’il va devoir choisir son camp dans cette guerre totale qui s’annonce.
Le soir même, dans un discours à la nation, Churchill déclare sans ambages : « Nous apporterons à la Russie et au peuple russe toute l’aide en notre pouvoir. » Staline répond favorablement, mais précise qu’une telle assistance « doit reposer sur un accord politique précis ». Le dirigeant soviétique rêve en effet d’être reconnu comme un partenaire à part entière par les Occidentaux.
Un second front à l’Ouest
Dès lors, Staline n’aura de cesse de réclamer l’ouverture d’un second front à l’Ouest pour soulager l’Armée rouge qui subit de lourdes pertes face à la Wehrmacht. Churchill et Roosevelt comprennent l’urgence, mais hésitent sur la stratégie à adopter. Le président américain penche pour un débarquement en France, tandis que le Britannique préférerait attaquer les Balkans pour contrer l’avancée soviétique en Europe.
Après de houleux débats, c’est finalement la vision de Roosevelt qui l’emporte. Le débarquement aura lieu en Normandie, avec l’appui d’une offensive dans le Sud de la France. Une manière aussi pour les Américains de rassurer Staline sur leur volonté réelle de s’impliquer contre l’Allemagne nazie.
L’opération « Overlord » sur les rails
Au début de l’année 1944, la planification du Débarquement s’accélère sous la houlette du général Eisenhower, nommé commandant en chef des forces alliées. Le nom de code « Overlord » est choisi, et la date fixée au 5 juin, reportée finalement au 6 juin en raison des conditions météorologiques.
Dans le plus grand secret, un déploiement logistique et humain titanesque se met en branle de part et d’autre de la Manche. Pas moins de 6 939 navires et des milliers d’avions sont mobilisés. Au total, ce sont plus de 150 000 hommes qui s’apprêtent à déferler sur les plages normandes pour ce « Jour J » entré depuis dans l’Histoire.
Vous êtes sur le point d’embarquer dans une grande croisade. Les yeux du monde sont sur vous. Les espoirs et les prières de peuples épris de liberté marchent avec vous.
– Dwight D. Eisenhower, message aux forces d’invasion, 6 juin 1944
Une victoire tactique et symbolique
Contre toute attente, l’opération Overlord est un succès. Les pertes sont lourdes dans les rangs alliés, mais les Allemands, malgré leur défense acharnée, doivent peu à peu céder du terrain. Dix jours après le débarquement, plus de 300 000 hommes ont déjà débarqué. Paris sera libérée le 25 août 1944.
Au-delà de sa portée militaire, le Débarquement de Normandie prend aussi une dimension symbolique et politique majeure. Il scelle la coopération des Alliés occidentaux avec l’URSS, en dépit de profondes divergences idéologiques. Une alliance de circonstance qui ouvrira ensuite la voie à un nouvel ordre mondial, avec ses espoirs et ses désillusions.
Sources :
- Antony Beevor, D-Day et la bataille de Normandie, Calmann-Lévy, 2009
- Max Hastings, Overlord – D-Day and the battle for Normandy 1944, Pan Books, 2016
- Philippe Bauduin, Normandie 44 – Du débarquement à la libération de Paris, Histoire et Collections, 2014