Au pays du Soleil Levant, les cerisiers en fleurs cohabitent avec une réalité démographique préoccupante. Pourtant, l’économie nippone continue de prospérer, défiant les pronostics les plus sombres. Comment le Japon parvient-il à maintenir son dynamisme face au vieillissement inexorable de sa population ?
Un déclin démographique inéluctable
Depuis quinze ans, la population japonaise ne cesse de décroître. Avec un taux de natalité en berne et une immigration limitée, les projections démographiques sont alarmantes. Selon les estimations, le nombre d’habitants devrait passer sous la barre des 100 millions d’ici 2056, pour atteindre 87 millions en 2070.
Face à cette récession démographique, le Japon n’a ouvert qu’avec réticence les vannes de l’immigration. En 2023, le pays a franchi le seuil historique des 2 millions de travailleurs étrangers, soit une hausse de 12% par rapport à l’année précédente. Néanmoins, cette main-d’œuvre immigrée ne représente qu’une goutte d’eau face au tsunami gris qui submerge l’archipel.
Une dette publique colossale
Autre sujet d’inquiétude : la dette publique japonaise, qui atteint des sommets vertigineux. Avec un endettement représentant plus de 260% de son PIB, le Japon détient le record mondial en la matière. Cette situation est en partie due au vieillissement de la population, qui pèse lourdement sur les dépenses de santé et les retraites.
Le Japon est le pays des fantômes.
– Paul Claudel, ambassadeur de France à Tokyo il y a cent ans
Un modèle économique unique
Pourtant, malgré ces défis démographiques et budgétaires, l’économie nippone fait preuve d’une résilience étonnante. Le secret de cette prospérité ? Un modèle économique reposant en grande partie sur les revenus du capital issus d’investissements internationaux.
Grâce à son épargne abondante, le Japon a massivement investi à l’étranger, se constituant un imposant patrimoine financier. Les revenus générés par ces actifs permettent de compenser le déclin de la population active et de financer le vieillissement de la population.
- Le Japon est le plus grand créancier mondial, avec des actifs étrangers nets représentant 66% de son PIB en 2022.
- Les revenus des investissements à l’étranger ont atteint 22 000 milliards de yens (150 milliards d’euros) en 2022, soit 4% du PIB nippon.
Une société vieillissante mais innovante
Le vieillissement de la population japonaise n’est pas qu’un fardeau. Il stimule également l’innovation, avec le développement de technologies et de services adaptés aux seniors. Robotique d’assistance, domotique, télémédecine… Les entreprises nippones rivalisent de créativité pour répondre aux besoins d’une société vieillissante.
Cette silver économie est un relais de croissance prometteur pour le Japon. Elle pourrait représenter 15% du PIB nippon d’ici 2035, selon certaines estimations. L’archipel dispose donc d’atouts pour transformer le défi démographique en opportunité économique.
Un avenir incertain mais stimulant
Le Japon est à la croisée des chemins. S’il ne parvient pas à enrayer son déclin démographique, il devra s’adapter pour préserver sa prospérité. Cela passera par une hausse de la productivité, une meilleure intégration des femmes et des seniors dans l’emploi, et peut-être une ouverture plus grande à l’immigration.
Mais le pays du Soleil Levant a plus d’un tour dans son sac. Fort de son épargne abondante et de son génie innovant, il a les moyens de relever le défi du vieillissement. Le modèle économique nippon, unique en son genre, suscite autant de craintes que d’espoirs. Une chose est sûre : il sera passionnant de suivre son évolution dans les décennies à venir.
Le Japon est confronté à un défi sans précédent : celui d’une Nation âgée tentant de préserver sa prospérité. Mais ce défi est aussi une formidable incitation à se réinventer.
– Extrait du livre “Le Japon au défi du vieillissement” de Muriel Jolivet, sociologue spécialiste du Japon
