Face à l’urgence climatique, le Japon relève le défi en annonçant un nouvel objectif audacieux : réduire de 60% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2035 par rapport à 2013. Cette ambition s’inscrit dans le cadre de la nouvelle « contribution déterminée au niveau national » (NDC) que le pays devait soumettre à l’ONU. Mais au-delà des chiffres, c’est toute la stratégie énergétique nippone qui est repensée pour tenir ces engagements.
Un virage à 180 degrés pour le mix énergétique japonais
Aujourd’hui encore, près de 70% des besoins en électricité du Japon sont couverts par des centrales thermiques fonctionnant au charbon et aux hydrocarbures. Un mix très carboné qui coûte cher au pays, tant sur le plan environnemental qu’économique. Les importations de combustibles fossiles représentent en effet 23% des importations totales et pèsent l’équivalent d’environ 470 millions de dollars par jour selon les douanes.
Pour inverser la tendance, le gouvernement nippon mise sur un double levier : faire des énergies renouvelables la première source d’électricité du pays tout en redonnant une place de choix au nucléaire. D’ici 2040, la part des renouvelables dans le mix électrique devrait ainsi grimper entre 40 et 50%, contre seulement 23% actuellement.
Le solaire et l’éolien tirent la transition énergétique
Pour atteindre cet objectif ambitieux, le Japon compte notamment sur un déploiement massif du solaire et de l’éolien. D’après les projections, la part du photovoltaïque dans la production d’électricité devrait monter à 23-29% d’ici 2040, et celle de l’éolien à 4-8%. L’hydroélectrique conservera également une place importante, entre 8 et 10% du mix.
Mais cette montée en puissance des énergies vertes ne suffira pas à elle seule pour répondre à la demande croissante d’électricité, estimée entre 10 et 20% supplémentaires d’ici 2040. Tokyo mise donc parallèlement sur un retour en grâce du nucléaire civil, malgré le traumatisme de Fukushima.
Le nucléaire, un mal nécessaire pour Tokyo
Quatorze ans après la triple catastrophe qui a ébranlé le pays, le gouvernement japonais veut faire de l’atome un pilier de sa stratégie énergétique et climatique. D’ici 2040, le nucléaire devrait ainsi compter pour 20% de la production électrique, contre environ 30% avant 2011.
Concrètement, cela implique de redémarrer progressivement tous les réacteurs existants, fermés après Fukushima. Un véritable défi politique et sociétal alors que l’opinion publique reste très méfiante. Mais pour les autorités, c’est un mal nécessaire pour conjuguer sécurité énergétique, compétitivité économique et lutte contre le changement climatique.
Des défis considérables à relever
Si le nouveau plan énergétique et climatique du Japon semble sur le papier à la hauteur des enjeux, sa mise en œuvre s’annonce semée d’embûches. La première difficulté sera de réussir la prouesse technique et financière de transformer en profondeur le système électrique nippon en moins de deux décennies.
L’autre grand défi sera d’emporter l’adhésion de la population et des acteurs économiques. Car en misant à la fois sur les renouvelables et le nucléaire, le gouvernement s’expose à la contestation des environnementalistes comme des antinucléaires. Certains jugent déjà le plan bien en-deçà des efforts nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5°C.
Les scientifiques ont averti que le Japon devait réduire de 81% ses émissions d’ici 2035 pour s’aligner sur l’objectif de 1,5°C (…) Le Premier ministre Shigeru Ishiba a succombé à la pression du monde industriel redevable aux intérêts des combustibles fossiles.
– Masayoshi Iyoda, responsable de 350.org au Japon
Malgré ces critiques, l’exécutif semble déterminé à tenir le cap de cette révolution énergétique, présentée comme vitale pour l’avenir du pays. Reste à transformer l’essai et à prouver que le Japon peut être un modèle de décarbonation pour les autres économies développées. Un immense défi qui sera scruté de près par la communauté internationale.