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Le Japon recrute des « Anges Gardiens » pour réduire la criminalité

Le Japon mise sur des "Anges Gardiens" bénévoles pour réinsérer d'ex-détenus et contenir la criminalité. Découvrez ce programme méconnu mais efficace, où l'altruisme est roi. Les "hogoshi" font bien plus que surveiller...

Saviez-vous qu’au Japon, des milliers de bénévoles appelés « hogoshi » jouent un rôle clé dans la réinsertion des anciens détenus ? Ce programme méconnu mais efficace contribuerait au faible taux de criminalité dans l’archipel. Rencontre avec Teruko Nakazawa, 83 ans, l’une de ces « Anges Gardiens » au grand cœur.

Teruko Nakazawa n’a pas froid aux yeux. Cette octogénaire, qui se qualifie elle-même de « punk », a passé des décennies à aider bénévolement des condamnés en liberté conditionnelle à se réinsérer. Un engagement altruiste qui l’a même amenée à s’interposer dans une violente dispute au couteau entre un ex-délinquant et sa mère.

47 000 bénévoles au service de la réinsertion

Mme Nakazawa fait partie des quelque 47 000 « hogoshi » qui œuvrent dans l’ombre au Japon. Ces bénévoles sont bien plus nombreux que les 1 000 agents de probation salariés du pays. Leur mission : accueillir régulièrement des anciens détenus pour discuter, les écouter, les conseiller, et intervenir en cas d’urgence. Le tout sans percevoir le moindre yen.

Pour un ancien protégé de Mme Nakazawa, devenu anonyme en raison de son passé criminel, la bénévole était « comme une grand-mère ». « J’avais peur de la décevoir en faisant quelque chose de mal », confie l’homme de 34 ans. « Elle m’a beaucoup aidé, notamment à présenter des excuses aux victimes ».

Un altruisme ancré dans la culture japonaise

Selon un rapport d’experts, les « hogoshi » voient leur engagement comme un « symbole d’altruisme » enraciné dans « l’amour de l’humanité ». Pour Carol Lawson, professeure de justice pénale, « le Japon serait un tout autre pays » sans ces bénévoles, qui ont participé à « l’extraordinaire absence de criminalité d’après-guerre ».

Ce système inspiré d’un philanthrope du 19e siècle a été officialisé par le gouvernement japonais après 1945. Certains « hogoshi » vont jusqu’à inviter les anciens détenus chez eux pour tisser une relation de confiance. Un modèle qui a essaimé aux Philippines, en Thaïlande ou au Kenya, mais difficilement transposable dans les pays anglo-saxons à l’approche plus « répressive ».

Défis et dangers du bénévolat

Le recrutement de nouveaux « hogoshi » est un enjeu crucial, car 80% ont plus de 60 ans. La perspective d’encadrer d’anciens voleurs, agresseurs sexuels ou meurtriers peut en rebuter plus d’un. Les risques du métier ont été tragiquement illustrés en mai dernier, lorsqu’un bénévole a été poignardé à mort par un ex-détenu qu’il supervisait.

Mais pour beaucoup, l’envie d’aider est la plus forte. « En découvrant leur parcours, je me dis parfois qu’ils ne pouvaient pas finir autrement », observe Mieko Kami, 74 ans, professeure de composition florale devenue « hogoshi ». « Ils cherchent juste à être rassurés sur leur droit à exister ».

Une oreille attentive pour se reconstruire

« Ueko », ancien toxicomane aujourd’hui en liberté conditionnelle, avoue avoir douté au début que son « hogoshi » « puisse comprendre les sentiments d’un ex-détenu ». Mais il a vite déchanté : « Cette personne sait être une oreille attentive ». Un soutien précieux pour se reconstruire et tourner la page.

Bien sûr, les ratés existent. Rendez-vous manqués, absence de lien… Mais il n’est pas rare que d’anciens détenus reviennent voir leur « hogoshi » des années après, pour prendre des nouvelles. « J’ai passé ma vie à me soucier des autres », sourit Teruko Nakazawa. « Maintenant que je vieillis, ce sont eux qui s’occupent de moi. Ils sont devenus mes hogoshi ! »

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