C’est une première diplomatique qui ne passe pas inaperçue. Cette semaine, le Japon a accueilli sur son sol plusieurs hauts responsables talibans, marquant ainsi leur toute première visite dans l’archipel depuis leur prise de pouvoir en Afghanistan en 2021. Tokyo a saisi cette occasion pour adresser un message clair aux autorités afghanes : le respect des droits humains doit être une priorité absolue.
Le Japon appelle au respect des droits humains en Afghanistan
Lors d’une rencontre avec un émissaire taliban mardi, Toshihide Ando, haut fonctionnaire du ministère japonais des Affaires étrangères, a vivement « encouragé » le régime afghan à « respecter les droits humains » et à « promouvoir un processus politique inclusif ». Un message fort au moment où l’Afghanistan est pointé du doigt par la communauté internationale pour ses dérives en matière de libertés fondamentales.
En effet, depuis leur retour au pouvoir il y a près de deux ans, les talibans ont imposé à la population une lecture ultra-rigoriste de la loi islamique. Le pays a ainsi vu le retour des flagellations publiques et des exécutions. Mais ce sont surtout les droits des femmes qui sont particulièrement bafoués.
Éducation et travail interdits pour les Afghanes
Sous le joug taliban, les femmes se voient interdire l’accès à l’éducation au-delà du primaire. Elles sont également bannies de nombreux secteurs professionnels. De plus en plus d’espaces publics leur sont désormais refusés. Une situation qualifiée par les Nations unies « d’apartheid de genre ».
Nous voulions qu’ils reconnaissent la nécessité d’accepter un large éventail de soutiens humanitaires de la part de la communauté internationale pour les plus vulnérables.
La Nippon Fondation, organisatrice de la visite des talibans au Japon
Une visite inédite malgré les sanctions internationales
Si la composition exacte de la délégation talibane présente au Japon n’a pas été dévoilée, des sources afghanes indiquent qu’elle comprendrait des représentants des ministères de l’Enseignement supérieur, de l’Économie et des Affaires étrangères. Une présence remarquée alors que de nombreux responsables talibans sont sous le coup de sanctions internationales, dont des interdictions de voyager.
Cela n’empêche pas pour autant certains d’entre eux de se déplacer régulièrement, notamment dans des pays du Golfe, d’Asie centrale, en Russie ou encore en Chine. Mais leur venue au Japon constitue une première, d’autant que le régime taliban n’est toujours reconnu par aucun pays à ce jour.
Le Japon maintient des liens humanitaires avec l’Afghanistan
Malgré le gel des relations diplomatiques, le Japon n’a pas totalement coupé les ponts avec l’Afghanistan. Son ambassade à Kaboul, relocalisée au Qatar après le retour des talibans, a depuis repris une partie de ses activités diplomatiques et humanitaires dans le pays.
Cette visite au Japon s’inscrit justement dans le cadre d’une initiative humanitaire, pilotée par la Nippon Fondation. L’organisation nippone a tenu à mettre l’accent sur « les conditions difficiles dans lesquelles les femmes et les enfants en Afghanistan sont forcés de vivre ». Une manière d’inciter les talibans à plus d’ouverture pour permettre l’acheminement de l’aide internationale.
Tokyo s’investit pour faire évoluer le régime afghan
Si cette visite talibane au Japon peut surprendre, elle s’inscrit en réalité dans une stratégie diplomatique de long terme de la part de Tokyo. Comme l’a souligné le porte-parole du gouvernement japonais Yoshimasa Hayashi, l’initiative de la Nippon Fondation est « significative car elle complète un effort de longue date du gouvernement japonais de chercher à changer les talibans, en coordination avec la communauté internationale ».
En accueillant les talibans et en les interpellant sur la question des droits humains, le Japon cherche ainsi à maintenir le dialogue avec le régime afghan, dans l’espoir de l’amener progressivement à infléchir ses positions. Une approche qui mise sur la diplomatie et l’aide humanitaire plutôt que sur un isolement total de Kaboul.
Reste à savoir si ce pari audacieux portera ses fruits et conduira les autorités talibanes à assouplir leur politique intérieure, notamment à l’égard des femmes. Les mois à venir seront déterminants pour jauger de leur réceptivité au message de la communauté internationale, et en particulier à celui porté cette semaine par le Japon lors de cette visite historique.