Les élections législatives japonaises d’octobre 2024 ont marqué une avancée historique pour la représentation des femmes, avec un nombre record de 73 élues à la Chambre des représentants. Mais malgré ce pas en avant, ces nouvelles députées font toujours face aux préjugés tenaces d’une société encore très patriarcale.
Des parcours inspirants mais semés d’embûches
La députée Saria Hino, 36 ans et mère de quatre enfants, incarne cette nouvelle génération de femmes politiques déterminées à faire bouger les lignes. Élue dans le centre du Japon, elle s’est donnée pour mission durant sa campagne de porter la voix de celles qui jonglent entre responsabilités familiales et professionnelles. Mais comme beaucoup de ses consœurs, elle a dû faire face à des questions sexistes, comme “Qui s’occupe de vos enfants ?”.
C’est aussi le cas de Jun Mukoyama, députée du parti au pouvoir. Cette quadragénaire qui a eu recours à un traitement de fertilité avec son mari est bien placée pour comprendre les difficultés des Japonaises à concilier maternité et carrière dans un pays en pleine crise démographique. Mais durant la campagne, on lui a demandé à elle aussi qui garderait son enfant, “une question qu’on ne poserait pas à un homme” déplore-t-elle.
Changer les mentalités, un défi de taille
Car si elles sont plus nombreuses que jamais au Parlement, les femmes ne représentent encore que 16% des députés. Et à ce déséquilibre s’ajoutent des remarques et comportements sexistes bien ancrés, même chez les plus hauts responsables politiques. L’ancien vice-Premier ministre Taro Aso a ainsi récemment qualifié une ministre de 71 ans d'”étoile montante” et de “vieille pas si belle”. Un climat délétère qui explique peut-être qu’une candidate sur quatre déclare avoir subi du harcèlement sexuel pendant sa campagne selon une enquête de 2021.
Je ne veux pas passer sous silence les effets néfastes d’une société vieillissante avec de moins en moins d’enfants.
Sachiko Inokuchi, députée de 68 ans élue à Tokyo
Œuvrer pour plus d’égalité et de soutien aux familles
Face à ces défis, les nouvelles élues sont déterminées à faire changer les choses, à commencer par le soutien aux mères et aux aidants. Des sujets cruciaux dans un Japon confronté à une natalité au plus bas et un vieillissement record. Le nouveau Premier ministre a d’ailleurs qualifié la pénurie de bébés d'”urgence silencieuse” et promis des mesures comme des horaires flexibles. Son prédécesseur avait déjà élargi le congé parental et les aides financières aux familles.
Mais pour ces députées, il faut aller plus loin, en s’attaquant aux causes profondes des inégalités. Saria Hino veut ainsi apporter une “perspective de terrain” sur les conditions de travail dans les écoles maternelles et maisons de retraite, deux secteurs en tension. Sa collègue Sachiko Inokuchi compte elle “ne pas passer sous silence les effets néfastes” du déclin démographique.
Des partis qui doivent aussi se réformer
Mais pour peser vraiment, elles devront aussi faire évoluer leurs propres partis, encore très masculins. Jun Mukoyama reconnaît que le sien “manque de diversité”, malgré quelques progrès comme un service de garde d’enfants pour les élus. Il faudra surtout continuer à se battre contre les stéréotypes, comme celui de l’incompatibilité entre vie de famille et ambition politique.
Le chemin vers une réelle égalité est encore long, au Parlement comme dans le reste de la société japonaise, classée seulement 118e sur 146 pour les inégalités hommes-femmes par le Forum économique mondial. Mais avec ce groupe inédit de députées engagées, c’est peut-être le début d’un cercle vertueux de la représentation des femmes au pouvoir.