L’archipel nippon a franchi un cap historique en 2024 en matière de tourisme. Pas moins de 36,8 millions de visiteurs étrangers ont foulé le sol japonais l’an dernier, pulvérisant allègrement le précédent record de 32 millions établi en 2019. Un succès fulgurant qui s’explique en grande partie par la faiblesse record du yen, rendant la destination particulièrement attractive, mais aussi par une promotion volontariste des autorités. Car le gouvernement compte plus que jamais sur le tourisme pour dynamiser une économie en berne. Néanmoins, cette popularité croissante n’est pas sans générer certains défis, à commencer par le spectre grandissant du surtourisme dans certaines villes emblématiques comme Kyoto.
Un yen au plus bas, une opportunité en or pour les touristes
Si le Japon renoue avec sa dynamique touristique d’avant la pandémie de Covid-19, c’est en grande partie grâce à l’affaiblissement continu du yen depuis près de trois ans. La monnaie nippone a en effet touché l’été dernier son plus bas niveau depuis 1986 face au dollar. Une aubaine pour les visiteurs étrangers, qui voient leur pouvoir d’achat dopé une fois sur place. Comme le résume Naomi Mano, présidente d’une firme d’hôtellerie, « c’est comme si la destination Japon était en solde de 30%, cela devient très bon marché pour beaucoup de gens ». De quoi convaincre de nombreux voyageurs pour qui le Japon était sur leur « liste ».
Le « soft power » japonais plus que jamais mis en avant
Mais le succès du tourisme nippon ne s’explique pas uniquement par des considérations de taux de change. C’est aussi le fruit d’une stratégie de long terme du gouvernement pour mettre en lumière les multiples attraits de l’archipel. Des campagnes mettant en avant aussi bien les paysages majestueux du mont Fuji ou les temples traditionnels que l’univers des mangas et des jeux vidéo, associés au « Cool Japan ». Une promotion à 360 degrés des charmes nippons, qui semble porter ses fruits au vu des chiffres records enregistrés.
Le tourisme, moteur crucial d’une économie nippone en berne
Dans un contexte de croissance atone, plombée par une consommation intérieure en berne, les autorités japonaises misent plus que jamais sur le tourisme pour stimuler l’activité. Il faut dire que le secteur est devenu le deuxième pourvoyeur de devises du pays, juste derrière les exportations automobiles. Une manne cruciale pour l’économie nippone. Le gouvernement s’est donc fixé un objectif ambitieux : franchir la barre des 60 millions de touristes étrangers d’ici 2030, soit quasiment doubler la fréquentation en moins d’une décennie.
Kyoto, victime de son succès touristique
Revers de la médaille de cette popularité galopante, certaines villes emblématiques comme Kyoto font face à un afflux massif de visiteurs, au point de subir les affres du « surtourisme ». Engorgement de la circulation, incivilités de touristes s’aventurant dans des ruelles privées, geishas importunées pour un selfie… Les habitants déplorent les nuisances générées par des visiteurs parfois peu respectueux. Pour endiguer le phénomène, la municipalité a annoncé une hausse significative de sa taxe de séjour dès 2026. Une mesure visant à financer l’adaptation des infrastructures, mais aussi à réguler les flux touristiques.
Des quotas pour préserver le mont Fuji
Autre site touristique majeur à pâtir de sa popularité, le mont Fuji a vu des quotas journaliers de randonneurs instaurés durant la période estivale. Objectif : préserver ce joyau naturel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en limitant la surfréquentation du sentier le plus emprunté. Une régulation qui s’accompagne aussi d’un droit d’accès d’environ 12 euros, une première pour ce symbole national.
La flambée des prix hôteliers, un frein au tourisme d’affaires
Autre effet collatéral de l’afflux record de touristes : la flambée des tarifs hôteliers dans les villes les plus prisées. Au point que les entreprises japonaises peinent à trouver des hébergements abordables pour leurs employés lors de déplacements professionnels. Certaines se voient contraintes de loger leur personnel dans des « hôtels capsules » minimalistes. Un casse-tête pour le tourisme d’affaires nippon.
Désengorger les sites stars en promouvant les régions rurales
Pour réguler les flux et désengorger les incontournables, le gouvernement entend mieux répartir les visiteurs étrangers à travers l’archipel et sur toute l’année. Le Premier ministre a appelé à davantage promouvoir les régions rurales, ces territoires qu’il souhaite « revitaliser ». Tout un défi, qui nécessitera d’améliorer l’accessibilité et l’attractivité touristique de ces zones plus confidentielles. Un rééquilibrage vital pour rendre le boom du tourisme plus durable et profitable à tout l’archipel.
Le Japon est donc confronté à un défi de taille : réussir à transformer l’essai de sa popularité touristique retrouvée, tout en évitant les écueils d’un surtourisme incontrôlé. Un équilibre délicat à trouver pour que la poule aux œufs d’or du tourisme ne finisse pas par se transformer en cauchemar pour les habitants. Mais les autorités semblent déterminées à relever le défi, conscientes que le tourisme sera plus que jamais un levier crucial pour doper une économie nippone en quête d’un nouveau souffle.